On distingue quatre groupes de myocardiopathies, les deux
premières étant les plus fréquentes :
• Les myocardiopathies dilatées qui se caractérisent par un
trouble de la fonction systolique ;
• Les myocardiopathies hypertrophiques qui se caractérisent
par un trouble de la fonction diastolique parfois associée
à une sténose sous-aortique dynamique (forme obstructive)
;
• Les myocardiopathies restrictives qui représentent un
sous-groupe moins fréquent pouvant être liées à une infiltration
du myocarde (amylose) ou une fibrose endomyocardique
(hyperéosinophilie) ;
• Les myocardiopathies touchant le ventricule droit (dysplasies arythmogènes du ventricule droit).
Le mauvais pronostic de ces affections est lié à leur évolution
vers l’insuffisance cardiaque ou à la survenue de
mort subite (essentiellement pour les myocardiopathies
hypertrophiques et les DAVD).
Le traitement médical des myocardiopathies dilatées et des
myocardiopathies hypertrophiques est différent : dans le
premier cas, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et
les diurétiques représentent la base des thérapeutiques
symptomatiques.
Dans le deuxième cas, les médicaments
relaxant de la fibre cardiaque (b-bloquants, calcium bloquant)
doivent être utilisés pour améliorer le remplissage
ventriculaire gauche et diminuer le gradient intraventriculaire
lorsqu’il existe.
Myocardiopathies dilatées primitives :
1- Épidémiologie :
Elles sont habituellement idiopathiques et ont une incidence
annuelle de 5 à 8 pour 100 000 habitants et une prévalence
de 36 pour 100 000 habitants et une mortalité
annuelle estimée à 10 000 aux États-Unis.
2- Étiopathogénie :
Dans quelques familles, on a pu mettre en évidence un
mode de transmission autosomique dominant, dans
d’autres plus rares, un mode de transmission lié au chromosome
X (anomalie touchant le promoteur du gène de la
dystrophine) mais dans la plupart des cas, même si l’on
retrouve dans une proportion atteignant 25 % un contexte
familial, les myocardiopathies dilatées sont plutôt considérées
comme étant d’étiologie plurifactorielle.
Le rôle des
toxiques est sûrement important (consommation exagérée
d’alcool retrouvée dans certaines enquêtes nationales), rôle
des médicaments cardiotoxiques (chimiothérapie anticancéreuse
à base d’anthracycline), facteurs carentiels (carence
en vitamine B1, en sélénium), origine inflammatoire (virale
ou auto-immune).
L’apoptose ou mort cellulaire programmée
par la perte de myocytes contractiles qui l’accompagne
semble être également un élément important de l’évolutivité
de cette affection, notamment à un stade avancé de
l’insuffisance cardiaque.
3- Sur le plan anatomique :
En règle générale, la dilatation concerne les deux ventricules
et les deux oreillettes, le poids du coeur est augmenté, les
épaisseurs du septum et de la paroi libre sont normales, les
anneaux valvulaires mitraux et tricuspides sont dilatés.
Sur
le plan ultrastructural, on retrouve une dégénérescence myocytaire,
un certain degré d’hypertrophie, de la fibrose interstitielle,
parfois des amas de lymphocytes (base anatomique
de l’hypothèse virale) et des altérations mitochondriales.
4- Sur le plan clinique :
Elle affecte essentiellement l’adulte (les formes de l’enfant
sont souvent précoces au pronostic redoutable avec dans
certains cas une origine métabolique : trouble du métabolisme
du glycogène, des lipides, ou mitochondrial).
La présentation
clinique inaugurale principale est l’insuffisance cardiaque (75 % des cas) témoignant le plus souvent d’une
dysfonction déjà évoluée.
Les signes de dysfonction ventriculaire
gauche prédominent, initialement, ils sont caractérisés
par une dypsnée d’effort dans plus de 80 % des cas,
parfois des palpitations ; des oedèmes des membres inférieurs
sont retrouvés dans un tiers des cas lorsqu’il existe
une insuffisance cardiaque globale initiale.
Dans 5 à 15 %
des cas, le diagnostic est posé devant la découverte fortuite
d’une cardiomégalie radiologique.
Les douleurs thoraciques
d'allure angineuse peuvent être parfois inaugurales
et sont probablement liées à une diminution de la réserve
coronaire par atteinte de la microcirculation (par définition
les artères coronaires proximales sont saines dans les myocardiopathies
dilatées primitives).
La maladie est parfois
révélée par une complication : embolie pulmonaire ou systémique
(dans 5 % des cas environ) ou par des troubles du
rythme, fibrillation auriculaire ou trouble du rythme ventriculaire.
5- Examens complémentaires :
La radiographie thoracique montre une cardiomégalie et
une redistribution vasculaire.
L’ECG peut être normal, ou montrer des troubles non spécifiques
de la repolarisation, des troubles de conduction de
type BAV et BBG, un aspect QS dans les dérivations antérieures,
et dans environ 20 % des cas, une fibrillation auriculaire.
L'échocardiographie est l’examen complémentaire le plus
utile.
Elle montre la dilatation des 4 cavités, l’hypocinésie
globale ou segmentaire (60 % des cas) du ventricule
gauche, et la diminution de la fraction d’éjection du ventricule
gauche (< 45 %).
Parfois, l’échocardiographie révèle
la présence d’un thrombus, le plus souvent à l’apex du ventricule
gauche.
La scintigraphie au TC 99 m (angiographie isotopique) est
utile pour évaluer la fraction d’éjection et pour pouvoir
suivre son évolution.
La scintigraphie au gallium 61 pourrait
être utile au diagnostic positif de myocardite seulement
lorsqu’il existe des arguments importants pour penser à un
processus inflammatoire en évolution active.
Les explorations invasives doivent comporter la coronarographie
afin d’éliminer une atteinte des gros troncs coronaires
proximaux qui pourraient justifier dans certains cas
un geste de revascularisation.
Le cathétérisme droit n’est pas indiqué sauf lorsque l’on envisage une transplantation
cardiaque afin de préciser le degré des résistances vasculaires
pulmonaires.
La biopsie endomyocardique n’a pas
non plus d’indication sauf en cas de suspicion sérieuse de
myocardite récente.
6- Histoire naturelle et pronostics :
L’histoire naturelle des myocardiopathies dilatées asymptomatiques
est difficile à préciser du fait de leur longue
période de développement infraclinique.
Le pronostic des
patients symptomatiques est mauvais avec une mortalité à
5 ans estimée à 20 %.
Une faible proportion de patients
peut présenter une amélioration spontanée (20 % des cas) ;
d’autres peuvent avoir une longue période de stabilité.
Certains
facteurs ont une valeur pronostique.
7- Traitement :
Le traitement de l’insuffisance cardiaque lorsque celle-ci
est installée repose sur le régime sans sel, l’administration
de diurétiques et d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine (captopril 100 mg/j, Renitec 20 mg/j
administrés de façon progressive en fonction de la tolérance
tensionnelle et rénale).
L’administration de dérivés
nitrés peut améliorer les symptômes mais ne semble pas
influencer le pronostic de cette affection.
Les digitaliques,
seuls agents inotropes utilisables sont surtout indiqués en
cas d’insuffisance cardiaque réfractaire ou de trouble du
rythme supraventriculaire.
Au stade asymptomatique, on
peut préconiser un traitement par inhibiteurs de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine afin de retarder la survenue
de l’insuffisance cardiaque congestive.
Les b-bloquants
pourraient présenter un intérêt chez les patients qui les tolèrent
(introduction prudente de ces médicaments).
Les b-stimulants et les utilisateurs de la phosphodiestérase sont
à proscrire dans le traitement de fond.
Myocardiopathies hypertrophiques :
1- Épidémiologie :
La myocardiopathie hypertrophique caractérisée par une
hypertrophie ventriculaire gauche, habituellement asymétrique
prédominant sur le septum est diagnostiquée par
échocardiographie ; son incidence est de 2,5 pour 100 000
habitants par an et sa prévalence est de 20 sur 100 000.
2- Étiopathogénie :
Il s’agit d’une affection génétique qui se transmet sur le
mode autosomique dominant.
Les gènes mutés codent pour
des protéines sarcomériques laissant penser que la myocardiopathie
hypertrophique est une maladie avec anomalie
primaire de la contractilité entraînant une hypertrophie
compensatrice pour maintenir la fonction ventriculaire.
3- Sur le plan anatomique :
Il existe une augmentation de la masse myocardique avec
une hypertrophie, le plus souvent prédominante au niveau
du septum avec une histologie caractérisée par une désorganisation
cellulaire devant toucher dans les zones sensibles
plus de 5 % des cellules myocardiques.
L’hypertrophie
concerne le plus souvent le septum (90 % des cas),
plus rarement l’apex (3 % des cas) ou la paroi libre du ventricule
gauche (1 %).
L’hypertrophie ventriculaire est symétrique
dans environ 5 % des cas.
4- Sur le plan physiopathologique :
L’obstruction à l’éjection du ventricule gauche se produit
au niveau sous-aortique ou de la partie moyenne du ventricule
gauche.
Dans le premier cas, l’obstruction est liée
à l’hypertrophie du septum et au déplacement du muscle
papillaire et de la valvule mitrale, qui est étirée.
La partie
distale de la valvule antérieure est soumise à un effet d’aspiration
(Venturi) entraînant un déplacement systolique
antérieur, et entre en contact avec le septum.
De plus, le
mouvement systolique antérieur de la valvule entraîne un
défaut de fermeture de la valve et une régurgitation mitrale.
La survenue d’un gradient de pression est simultanée au
contact entre la valvule et le septum.
C’est la durée de ce
contact qui détermine l’importance du gradient de pression,
qui à son tour détermine le degré de la fuite mitrale.
D’autres facteurs interviennent dans environ 20 % des cas
dans le degré de fuite mitrale.
Il peut s’agir d’un muscle
papillaire ectopique, d’un prolapsus de la valve mitrale,
d’une fibrose de la valvule antérieure.
Enfin l’exercice augmente,
probablement, le gradient de pression intraventriculaire.
À côté de l’obstruction, il existe des troubles du remplissage
ventriculaire responsables d’une insuffisance
cardiaque diastolique.
La fonction systolique globale apparaît
initialement normale voire supranormale (alors que la
fonction de l’unité contractile sarcomériques est probablement
diminuée).
Dans les formes avancées, l’apparition
d’une fibrose myocardique peut entraîner un certain degré
de dysfonction systolique.
La fibrose peut être le résultat
d’une transformation fibreuse des tissus entre les fibres myocardiques « désorganisées », ou d’un infarctus du myocarde
(atteinte des petits vaisseaux).
La fibrose aboutit à un amincissement
pariétal, une diminution de l’obstruction à l’éjection
ventriculaire, une dysfonction systolique et éventuellement
une dilatation du ventricule gauche.
La dysfonction
diastolique est due à des troubles de la relaxation.
L’inactivation
(due au recaptage du calcium par le sarcoplasme) est
altérée par l’augmentation du calcium myoplasmique.
L’altération de la relaxation diminue la vitesse et le volume
du remplissage ventriculaire, surtout pendant la diastole
« active », induisant une augmentation du volume sanguin
auriculaire et une dilatation progressive de l’oreillette (et,
in fine, d’une fibrillation auriculaire).
La prossibilité d’une
ischémie myocardique a été démontrée, bien que son mécanisme
demeure incertain. Une diminution de la réserve
coronaire par atteinte de la microcirculation est la principale
hypothèse retenue.
Il peut s’agir aussi d’une
compression d’artères septales perforantes, ou de points
myocardiques. Cette ischémie myocardique contribue indéniablement
à aggraver les troubles de relaxation.
5- Sur le plan clinique :
Il est habituel de distinguer les myocardiopathies hypertrophiques
obstructives et non obstructives.
Dans les formes obstructives, l’obstruction peut être latente
(provoquée par un effort par exemple), labile (variable
spontanément) ou permanente.
Dans les formes non
obstructives, l’éjection ventriculaire n’est jamais altérée.
Les symptômes habituellement observés consistent en une
dyspnée, des douleurs thoraciques, une syncope, parfois
des signes d’insuffisance cardiaque congestive.
La mort
subite est un événement non rare et parfois inaugural.
Le
taux annuel de mortalité est de 4 à 6 % chez l’enfant et de
3 à 4 % chez l’adulte.
À l’examen clinique, peuvent être
observés des signes cardiaques « droits », turgescence jugulaire,
bruit de galop droit, murmure systolique au foyer tricuspide.
Les signes cardiaques gauches peuvent comporter
un déplacement et un renforcement du battement de
« pointe », un B4, un murmure systolique au foyer mitral
(audible dans les obstructions sous-aortiques), irradiant
vers le bord gauche du sternum, de type éjectionnel (du fait
de l’obstruction) et dans l’aisselle (du fait de la fuite
mitrale).
Les éléments du diagnostic comportent, l’ECG, la radiographie
du thorax et l’échocardiographie transthoracique.
L’ECG peut être normal, ou montrer des grandes ondes R,
dans les dérivations gauches, de grandes ondes Q pouvant
mimer un infarctus, dans les cas d’hypertrophie septale, de
grandes ondes T négatives dans le cas d’hypertrophie apicale.
Enfin l’ECG peut également montrer un aspect d’infarctus
apical.
La radiographie du thorax est habituellement normale, ou
montre une augmentation du volume du ventricule gauche
ou des oreillettes ; l’aorte est typiquement petite.
L’échocardiographie est l’examen le plus utile.
Elle précise
la localisation et l’importance de l’hypertrophie, les
fonctions systoliques et diastoliques, le degré de déplacement
systolique antérieur valvulaire, de l’obstruction, de
la fuite mitrale et l’aspect de l’appareil valvulaire mitral.
Ce dernier point peut être mieux apprécié par l’échographie transoesophagienne.
Les examens isotopiques conventionnels permettent de préciser
la fonction systolique et diastolique.
Le thallium d’effort
ou après dipyridamole et la tomographie en émission
de positons peuvent apprécier l’existence d’une ischémie
myocardique.
Les examens invasifs, cathétérisme, coronarographie et
angioplastie doivent être réservés aux formes de diagnostic
difficile, ou lorsqu’un geste chirurgical ou l’implantation
d’un pacemaker sont discutés.
Les investigations électrophysiologiques comporte principalement
le holter ECG et éventuellement une exploration
endocavitaire.
Enfin, la place du screening génétique est de plus en plus
importante.
6- Traitement :
Le traitement des formes symptomatiques repose sur les
médicaments permettant d’améliorer la relaxation cardiaque.
Les b-bloquants peuvent être utilisés ou les agents calcium
bloquant comme le vérapamil (Isoptine) lorsque les signes
d’insuffisance cardiaque congestive apparaissent il peut
être utile d’utiliser les diurétiques, tout en évitant le problème
lié à un désarmorçage de la pompe cardiaque du fait
des troubles de remplissage imposant une précharge suffisante
pour maintenir le débit cardiaque.
Est formellement déconseillé, l’utilisation d’agents inotropes qui ne font qu’aggraver l’existence d’une obstruction
dynamique intraventriculaire ou qui peuvent la
révéler.
Pour les patients présentant des signes fonctionnels invalidants
résistant au traitement, bien conduit, on peut être
amené à utiliser lorsqu’il existe un gradient ventriculaire
supérieur ou égal à 50 mmHg des thérapeutiques plus
agressives comme la myotomie-myectomie qui consiste à
réséquer par voie chirurgicale une partie du septum.
Actuellement,
on peut proposer comme alternative, la stimulation
ventriculaire double chambre qui peut diminuer le gradient intraventriculaire en retardant l’activation du septum.
Sur
le plan symptomatique, les résultats sont encourageants.
Le bénéfice de ces deux techniques sur le pronostic à long
terme n’est qu’imparfaitement établi jusqu’à présent.
L’existence de trouble du rythme qu’il soit supraventriculaire
ou ventriculaire nécessite un traitement actif.
En effet,
la perte de la systole auriculaire aggrave les anomalies de
remplissage (dans le cas d’une origine supraventriculaire)
et peut précipiter l’apparition de signes d’insuffisance cardiaque.
L’existence de trouble du rythme ventriculaire
semble être un marqueur de la survenue de mort subite.
Dans les deux cas, le traitement préventif et curatif par
l’amiodarone est actuellement celui qui reste préconisé.
L’utilisation de médicaments chronotropes négatives et dromotropes
négatives peut parfois justifier la mise en place
d’un stimulateur cardiaque afin d’éviter des ralentissements
extrêmes de la cadence ventriculaire.