Temps de l’inflammation aiguë Cours d'Anatomie
Pathologique
Généralités
:
Quelle que soit la nature de l’agression, toute inflammation comporte quatre phases
qui se succèdent dans un ordre immuable.
La première phase est dominée par les phénomènes vasculo-sanguins.
Ils sont à
l’origine des quatre signes cardinaux de l’inflammation aiguë : la rougeur, la chaleur,
la tumeur, et la douleur, tétrade de Celsius.
La deuxième phase est productive, la multiplication des cellules conduisant à un granulome
inflammatoire.
La troisième phase est occupée par la détersion du foyer.
La quatrième phase aboutit à la cicatrisation plus ou moins parfaite.
L’inflammation est un phénomène dynamique dans lequel les différentes étapes se
chevauchent souvent.
La première étape est inframicroscopique, survenant immédiatement
après l’agression et aboutissant à la libération de médiateurs chimiques
qui interviennent sur les phénomènes vasculaires.
L'inflammation est stéréotypée avec une séquence constante.
Phase vasculo-sanguine de l’inflammation aiguë
:
A - Vasodilatation ou congestion
active :
C’est le premier phénomène visible de la réaction inflammatoire.
Elle survient après une vasoconstriction très éphémère (10 à 20 secondes) qui suit
immédiatement l’agression.
Elle se traduit par une augmentation de la quantité de sang arrivant sur le lieu de
l’agression et donc par une stase sanguine.
Elle est déclenchée par un réflexe d’axone - intervention d’un arc réflexe court - et
surtout par les médiateurs humoraux de l’inflammation - kinine, histamine, sérotonine,
fraction C3, C5.
Les conséquences de la vasodilatation sont :
• clinique : rougeur et augmentation de la température locale,
• métabolique : diminution de l’apport d’oxygène au niveau des espaces interstitiels
• physique : augmentation de la perméabilité de la paroi endothéliale.
B - Exsudation ou oedème
inflammatoire
:
Définition : l’exsudat inflammatoire se définit comme l’ensemble des éléments
moléculaires et cellulaires qui traversent la paroi vasculaire au cours de l’inflammation
et qui s’accumulent dans les tissus interstitiels.
Mécanisme : il résulte de plusieurs facteurs locaux : élévation de la pression hydrostatique
secondaire à la congestion, et augmentation de la perméabilité capillaire qui
prévaut dans l’oedème inflammatoire.
L’élargissement des fentes intercellulaires
laisse passer des substances de poids moléculaire élevé et même des éléments
figurés.
Aspect : l’exsudat est très riche en protéines, en fibrine et même en cellules, franchement
hémorragique dans certains cas.
Cette exsudation est parfois difficile à voir dans les tissus humains : dans le tissu
conjonctif elle se traduit par une dissociation des structures fibrillaires par un matériel de teinte rosée auquel se mêlent parfois de très fin filaments de fibrine qui proviennent
de la transformation du fibrinogène plasmatique dans le tissu interstitiel.
Conséquences :
• clinique : douleur,
• dilution des produits toxiques et des germes
• barrière fibrineuse entre la lésion et le tissu sain qui évite la diffusion des germes et
qui favorise le chimiotactisme vis à vis des polynucléaires
• apports humoraux de défense.
• les effets de l’oedème peuvent être néfastes soit en raison de son abondance excessive,
soit de son installation brutale et de sa localisation (OAP infectieux, oedème
aigu du larynx)
Ces modifications sont sous la dépendance des médiateurs chimiques : en dehors
du complément qui agit pendant toute la durée des phénomènes vasculaires on distingue
trois phases :
• la première (1 heure 30) sous la dépendance des amines vasoactives,
• la deuxième (1 heure 30 à 2 heures 30) réglée par les kinines,
• la troisième (la plus longue) contrôlée par les prostaglandines.
A chaque phase on peut assister à un arrêt du phénomène et à un retour à la normale
soit spontanée, soit sous l’influence thérapeutique.
Phase cellulaire de l’inflammation aiguë
:
Elle commence presque en même temps que la phase vasculosanguine mais dure
plus longtemps.
Elle est caractérisée par l’apparition de cellules nouvelles au sein du
foyer inflammatoire essentiellement de polynucléaires et d’histiocytes.
A - Chimiotaxie - chimiotactisme
:
Les polynucléaires neutrophiles sont attirés dans les tissus lésés par des médiateurs
chimiques.
La migration des polynucléaires depuis les lumières vasculaires
jusqu'aux tissus lésés est réglée par des substances appelées chimiotactiques.
On appelle chimiotaxie ou chimiotactisme le phénomène qui commande le déplacement
d’une cellule en direction d’une substance appelée cytotaxique.
Ce phénomène est lié à la mobilité et à la capacité de migration des polynucléaires
et des macrophages ainsi qu’à l’intensité du gradient chimiotactique.
Au cours de cette phase les polynucléaires et macrophages vont subir des modifications
fonctionnelles et morphologiques :
• perte de leur forme arrondie régulière
• apparition de contours sinueux
• émission de pseudopodes
• excentration du noyau
• mouvements cellulaires amiboïdes
B - Margination
:
Phénomène par lequel les polynucléaires adhèrent à la paroi endothéliale altérée.
L'adhérence des polynucléaires provoque la formation d'agrégats le long des parois
vasculaires, c'est la margination.
L'endothélium des vaisseaux est activé par les produits issus des tissus lésés et par
les cytokines, cette activation induit l'expression des molécules de surface qui réagissent
avec les molécules présentes dans la membrane des polynucléaires neutrophiles.
Ces molécules d’adhésion particulières regroupées en trois familles :
• super famille des immunoglobulines
• super famille des intégrines
- le récepteur à la fibronectine (chaîne β1)
- les molécules LFA-1 et Mac 1 (chaîneβ 2)
- les intégrines possédant la chaîne β3.
• famille des sélectines : adhésion des polynucléaires aux cellules endothéliales.
Molécule ELAM-1
Toutes ces molécules sont synthétisées sous le contrôle des cytokines et plus particulièrement
d’IL1
C - Diapédèse
:
Passage des polynucléaires du sang à travers l’endothélium vasculaire.
Les polynucléaires traversent la paroi sans la disloquer.
En microscopie électronique
les polynucléaires s’insinuent entre les jonctions endothéliales par émission d’un
pseudopode.
Puis le noyau s’allonge et l’ensemble de la cellule franchit la barrière
endothéliale.
Le franchissement de la membrane basale se fait grâce à une dépolymérisation
transitoire provoquée par des enzymes leucocytaires.
Les éléments mononucléés comme les lymphocytes franchissent l’endothélium en
passant à l’intérieur du cytoplasme : c’est le phénomène d’empéripolèse.
La membrane
basale est franchie grâce à un récepteur à la laniline.
Le passage des globules rouges est un phénomène passif appelé erythrodiapédèse.
Au terme cette phase les polynucléaires se trouvent sur place pour accomplir leur
fonction essentielle : la phagocytose
D - Phagocytose
:
1- Les cellules impliquées dans la phagocytose se répartissent en deux groupes :
Les polynucléaires sont appelés microphages.
Ils sont spécialisés dans la destruction
des particules de petite taille et ils s’attaquent particulièrement aux agents microbiens.
Les macrophages ou histiocytes sont capables de phagocyter des particules plus
volumineuses.
Ils assurent une destruction ménagée en conservant les déterminants
antigéniques essentiels à la réponse immunitaire.
Ils appartiennent également
au système des phagocytes mononucléés.
2- Phagocytose
:
L’activité essentielle de ces cellules est la phagocytose c’est à dire l’englobement
dans le cytoplasme du phagocyte d’une particule étrangère vivante ou inerte qui
sera digérée par les enzymes protéolytiques des lysosomes (hydrolase, phosphatase, élastase, collagénase).
3- Les étapes de la phagocytose sont les suivantes :
a- L’adhésion
Adhésion = adhérence entre la particule à ingérer et la surface de la cellule.
Les polynucléaires se déplacent grâce à leur mouvements amiboïdes (20 microns
par minute, soit à peu près 1 mm par heure) facilités par l’oedème qui dissocie les
structures conjonctives et par les enzymes protéolytiques.
La migration des polynucléaires
est spécifique et unidirectionnelle vers une substance chimique ou une particule
microbienne.
Chimiotactisme positif :
• débris cellulaires de fractions C5, C6 et C7 du complément
• complexes immuns
• substances absorbées sur la fibrine et micro-organismes
• prostaglandines
• leucotriène (LTB4)
• produits de dégradation de la fibrine
Chimiotactisme négatif :
• germes,
• chloroforme
Le "syndrome du leucocyte paresseux" se traduit par une perturbation de cette
phase de la phagocytose due à un déficit en LFA-1 récepteur pour le C3b du complément.
Le déplacement des polynucléaires nécessite l'intégrité des microtubules et des microfilaments cytoplasmiques comme l'actine.
Les microtubules sont constitués par
la tubuline présente sous deux formes égales libre et figurée dans le cytoplasme.
La
colchicine et la vinblastine empêchent la formation de tubuline figurée et freinent la
mobilisation des cellules.
Les stéroïdes comme l'hydrocortisone et la dexamethasone
suppriment à la fois la migration des polynucléaires et des monocytes.
b- L’ingestion
L’ingestion = englobement par deux pseudopodes qui fusionnent enfermant la particule
à phagocyter dans un vacuole : le phagosome.
Cette ingestion est favorisée et conditionnée par un phénomène appelé opsonisation.
Les particules microbiennes sont recouvertes d'anticorps IgM et IgG1 d'origine
plasmatique apportés par l'exsudation qui s'attachent sur les récepteurs spécifiques
des polynucléaires et des macrophages par le fragment Fc et également par les
fractions C3 et C5 du complément et par la fibronectine.
Le devenir des corps phagocytés :
c- digestion
Digestion : les lysosomes, véritables sacs enzymatiques s’ouvrent dans le phagosome
et l’on assiste à la disparition progressive du corps phagocyté.
Parallèlement
le polynucléaire se dégranule.
Il est rare que le polynucléaire survive à la destruction du corps phagocyté : les
enzymes se déversent dans le cytoplasme du polynucléaire à la suite d’un trouble
de la perméabilité des membranes constituant les vacuoles phagocytaires. Les
débris du polynucléaire seront phagocytés par le macrophage.
Multiplication des germes : dans certains cas les polynucléaires sont incapables
de détruire les agents bactériens qui se multiplient constituant un abcès voire même
une septicémie.
Certains germes présentent en effet une résistance naturelle aux processus de phagocytose
et de bactéricidie : germes de la tuberculose, de la lèpre, de la fièvre
typhoïde et de la toxoplasmose.
Symbiose = phagocytose sans destruction de germe.
Il s’agit d’un phénomène
assez rare, néfaste pour l’organisme car ces germes se trouvent à l’intérieur du polynucléaire
à l’abri des antibiotiques ce qui permet la dissémination bactérienne.
exemple : brucellose, listériose, tuberculose.
Egestion : le polynucléaire phagocyte la particule microbienne et la rejette immédiatement
sans dommage.
Les polynucléaires constituent donc un moyen de défense très efficace vis à vis des micro-organismes (particules de petite taille).
La plupart meurent dans le foyer
inflammatoire. D’autres cellules phagocytent les polynucléaires détruits et les cellules
nécrosées et aident les polynucléaires dans la destruction de l’agent infectieux : il
s’agit des macrophages recrutés par multiplication et mobilisation des histiocytes
locaux.
E - Le système des phagocytes mononucléés
:
1- C’est un système qui regroupe des cellules qui ont :
Une origine commune : le promonocyte de la moelle osseuse,
Une morphologie particulière en microscopie électronique - cytoplasme hérissé de
nombreuses villosités,
Une fonction fondamentale la phagocytose possible grâce aux lysosomes riches en
enzymes hydrolytiques.
2- Les constituants du système des phagocytes mononucléés sont :
Diverses cellules en position endothéliale : cellules de Küppfer du foie ; cellules bordant
les sinus de la moelle osseuse, de la rate et des ganglions ; certaines cellules
des alvéoles pulmonaires et des séreuses.
Les histiocytes du tissu conjonctif et des organes lymphoïdes rate et ganglion.
Les monocytes sanguins
La microglie du système nerveux central.
3- La mise en jeu dans les réactions inflammatoires
:
a-
Mobilisation et multiplication des cellules histiocytaires :
Dans le parenchyme pulmonaire.
Les alvéoles pulmonaires contiennent deux types
de cellules : les unes à cytoplasme abondant sièges d’inclusions d’aspect lamellaire,
responsables de la sécrétion du surfactant ; les secondes sont des éléments allongés
à cytoplasme peu abondant devenant turgescent qui se détachent lors de la
réaction inflammatoire et tombent dans la lumière alvéolaire où elles prennent le
nom de macrophage alvéolaire.
Leur cytoplasme est chargé de corps phagocytés :
«cellules à poussière».
Dans le tissu conjonctif banal lors de la réaction inflammatoire la plupart des macrophages
proviennent des monocytes du sang, une faible partie est issue de la multiplication
des cellules histiocytaires locales.
b- Métamorphose
:
Dans certaines circonstances les macrophages se groupent et constituent des cellules épithélioïdes.
Parfois même ces histiocytes fusionnent et donnent naissance à
des cellules géantes multinucléées.
Ces cellules sont l’apanage de certaines inflammations
chroniques.
Conclusion
:
Les phénomènes cellulaires de l’inflammation aiguë ont pour but l’élimination de
l’agent pathogène et le nettoyage du foyer inflammatoire.
Dans un premier temps
cette fonction est dévolue aux polynucléaires secondairement remplacés par les
macrophages du système des phagocytes mononucléés.
Certaines drogues modifient le cours des phénomènes cellulaires :
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, Indometacine, Phénylbutazone suppriment la migration des monocytes, l’aspirine aurait un effet discret sur la migration des
polynucléaires.
Les anti-inflammatoires stéroïdiens (hydrocortisone, dexaméthazone) suppriment la
migration des polynucléaires et des monocytes.
Les corticoïdes entravent la libération
des enzymes des polynucléaires.