Lésions élémentaires liées à des troubles métaboliques Cours d'Anatomie
Pathologique
Troubles du métabolisme cellulaire global :
A - Anabolisme – Hypertrophie
:
1- L'hypertrophie cellulaire :
Augmentation de la taille de la cellule souvent liée à une augmentation de son
activité (anabolisme> catabolisme).
Intéresse l’ensemble des constituants de la cellule, de façon harmonieuse et complète.
A différencier de la surcharge (accumulation intracellulaire d'une substance particulière).
Exemples :
• hypertrophie par augmentation de l’activité mécanique ou métabolique de la cellule :
hypertrophie cardiaque dans l’hypertension artérielle,
• hypertrophie du muscle squelettique chez le sportifhypertrophie par stimulation hormonale
accrue : hypertrophie thyroïdienne par hypersécrétion d’hormone thyréotrope
2- L’hyperplasie
:
L’hypertrophie est à distinguer de l’hyperplasie qui correspond à une augmentation
du volume d’un tissu par augmentation du nombre de cellules.
Dans l’hyperplasie,
la cellule est soit normale, soit hypertrophique.
Exemple :
• hyperplasie physiologique : hyperplasie compensatrice d’un organe après chirurgie
(comme dans le cas d’une hépatectomie partielle) ou hyperplasie mammaire au
cours de la grossesse
• hyperplasie pathologique de la surrénale au cours d’un hypercorticisme hypophysaire.
B - Catabolisme – Atrophie
:
1- L’atrophie (ou hypotrophie) cellulaire :
• diminution du volume cellulaire souvent liée à une diminution de son activité (catabolisme
> anabolisme).
• diminution volumétrique en général pas harmonieuse (perte de certains organites et
constituants cellulaires)
• le noyau reste normal.
Exemples :
- atrophie physiologique (souvent par modifications hormonales) : atrophie du thymus après
la puberté, atrophie des ovaires et de l’endomètre après la ménopause
- atrophie pathologique : atrophie musculaire par suppression de l’innervation.
2- Aplasie
:
On distingue l'atrophie de l'aplasie et de l'hypoplasie :
- aplasie : absence d’un organe provoquée par l’absence de développement de son
ébauche embryonnaire.
- hypoplasie : développement anormal d’un viscère ou d’une partie d’un viscère
aboutissant à un organe fonctionnel mais trop petit.
Troubles des métabolismes particuliers
:
A - Les troubles impliquent
une substance normalement
peu visible ou absente
:
Il faut distinguer la notion de surcharge et celle d'infiltration.
1- La surcharge
:
C’est la présence en excès d'une substance qui s'y trouve normalement.
Il
existe des surcharges physiologiques comme la surcharge en graisse de la cellule
mammaire pendant la lactation ou la surcharge en graisse de la cellule de l'épithélium
intestinal pendant la digestion.
Il existe des surcharges pathologiques comme l'excès d'apport en acides gras au
niveau du foie (stéatose) ou l'insuffisance d'utilisation ou la rétention ou, encore, un
trouble métabolique avec accumulation en amont de maillons défaillants de la
chaine enzymatique.
2- L'infiltration
:
Il s’agit au contraire, de l'intrusion dans la cellule d'une substance qui ne s'y
trouve pas normalement.
Ainsi, la présence de bilirubine au niveau de la peau
(ictère) ou le dépôt de calcium dans la paroi des artères.
La substance peut être
éventuellement exogène : corps étrangers (tatouages), médicaments ou silice (dans
la silicose).
3- Conséquences
:
Les surcharges et infiltrations peuvent retentir sur les cellules : pseudo-hypertrophie
cellulaire et, parfois, hypertrophie de l'organe ou des organes correspondants.
Le
retentissement sur la fonction des cellules est beaucoup plus variable : parfois bien
toléré comme dans la stéatose hépatique ; ailleurs, progressivement destructrice
comme dans les gangliosidoses neuronales.
Enfin, parfois, accompagné d'une
fibrose majeure secondaire comme dans l'hémochromatose.
Enfin, l'anomalie métabolique de la surcharge cellulaire peut avoir des conséquences
graves sur le milieu extra-cellulaire ainsi l'hypoglycémie de certaines glycogénoses.
B - Surcharges et infiltrations
graisseuses :
1- Triglycérides
:
La stéatose est l’accumulation anormale de triglycérides dans les cellules.
Elle est
fréquemment observée dans l’hépatocyte : stéatose hépatocytaire.
On observe, au niveau de la cellule stéatosique, des vacuoles vides optiquement, en technique
standard car les graisses sont dissoutes lors du passage du prélèvement dans
les bains d’alcool et de toluène et on ne visualise que leur empreinte.
On peut mettre
en évidence véritablement des dépôts de triglycérides par coupe en congélation et
coloration spécifique (Soudan).
Les vacuoles peuvent avoir une petite taille et être parfaitement bien tolérées mais
augmenter progressivement de volume, fusionner et devenir même géantes, entravant
très considérablement le fonctionnement cellulaire voire même aboutissant
rarement à la mort de la cellule.
Les étiologies sont multiples :
- toxique (alcool +++, médicaments),
- apport excessif (obésité)
- par carence en protéine (lipoprotéine)
Dans les pays « développés » la cause la plus fréquente est l’alcoolisme.
2- Lipidoses
:
Elles sont d’origine héréditaire.
Ce sont des affections constitutionnelles rares souvent
rencontrées en pathologie pédiatrique qui correspondent à des anomalies du
métabolisme des lipides complexes.
Elles sont liées à une anomalie enzymatique, le
plus souvent un déficit.
Exemples : déficit en gluco-cérébrosidase, déficit en sphingomyéniase, déficit en
hexose aminidase A, déficit en aryl-sulfatase.
L’affection la plus fréquente est la maladie de Gaucher : accumulation des glucocérébrosides
par défaut de glycocérébrosidases.
Ces lipidoses touchent à des degrés variables rate, ganglions, moëlle osseuse, surtout
neurones, on parle alors de neurolipidose.
3- Cholestérol
:
Il s'agit là aussi de dépôts irréversibles.
Le cholestérol est un constituant abondant
des membranes cytoplasmiques.
Au cours de nombreuses destructions cellulaires,
on pourra avoir, à un certain stade, apparition de cristaux de cholestérol comme au
cours de foyers inflammatoires chroniques, hématomes anciens.
Enfin, les cristaux
de cholestérol sont typiquement une lésion élémentaire constitutive de la plaque
d'athérome.
C - Surcharges et infiltrations
glucidiques :
1- Généralités
:
Les anomalies concernent essentiellement la synthèse et la degradation du glycogène.
Sur les coupes histologiques, le glycogène peut être mis en evidence par la coloration
PAS.
2- Surcharges et infiltrations en glycogène
:
a- Rappel :
Le glycogène est une longue chaîne de glucose polymérisé, ramifiée.
Cette molécule
est présente dans pratiquement toutes les cellules mais prédomine très nettement
au niveau du foie et du muscle strié.
Le glycogène est presque toujours utilisé
sur place ; seuls le rein et le foie peuvent libérer du glucose dans le sang.
Ce métabolisme est contrôlé par le glucagon, les catécholamines, l'insuline et le cortisol.
Les surcharges en glycogène peuvent résulter de la présence en excès de glucose
dans les cellules ou de l'absence congénitale d'une enzyme de synthèse de
branchement ou de débranchement.
Le retentissement histologique de cette pathologie du glycogène se traduira parfois
par la présence de vacuoles mise en évidence par la coloration PAS.
Il faut savoir
qu'au niveau de certains organes tel le foie, existent des variations nycthémérales
physiologiques de la quantité de glycogène.
Dans la pratique, chaque fois que cela
est possible, l'anatomo-pathologiste devra penser à stocker un fragment de tissu
pour congélation permettant des études biochimiques ultérieures.
b- Les glycogénoses familiales
Elles sont liées à un déficit enzymatique, lui-même secondaire à une anomalie
génétique.
Les glycogénoses vont toucher à des degrés variables le foie, le muscle
strié (squelettique et/ou myocardique) et, plus accessoirement, le rein.
La gravité est
très variable.
Le déficit en glucose 6-phosphatase peut avoir une évolution favorable.
Le déficit en phosphorylase est d'assez bon pronostic et n'est, en général, pas
trop invalidant.
Par contre, le déficit en maltase acide survient le plus souvent chez
l'enfant et est souvent mortel par atteinte cardiaque.
c- Les glycogénoses secondaires
Elles peuvent se rencontrer au cours du diabète sucré, de traitement par les corticoïdes.
Une surcharge en glycogène peut également se voir dans certaines tumeurs.
d- Autres anomalies métaboliques
D’autre anomalies du métabolisme des polyholosides existent mais qui ne provoquent,
en général, aucune surcharge et aucune modification histologique : galactosémie,
fructosurie essentielle, intolérance aux disaccharides.
3- Glycoprotéines et protéoglycanes
:
a- Rappels :
Les glucides participent également à la constitution de nombreuses macromolécules
telles que les glycoprotéines et les protéoglycanes.
Ces différentes macromolécules
interviennent dans la synthèse en particulier de la matrice extra-cellulaire et du
mucus.
b- Le mucus épithélial
:
Il se rencontre au niveau des glandes ou du revêtement muqueux.
Il intervient dans
la protection à la fois d'une manière mécanique et du fait de propriétés anti-infectieuses.
Les mucines sont constitués par des protéoglycanes, des GAG, des protéines
plasmatiques et des électrolytes.
On peut les colorer par le PAS, le bleu Alcian.
On peut observer du mucus en excès dans de nombreuses pathologies :
- inflammatoires (exemple du bouchon intrabronchique de la crise d'asthme, dans la
dilatation des bronches, etc.)
- tumorales (adénocarcinome muco-sécrétant).
- dans la mucoviscidose
c- Mucoviscidose
:
Cette maladie s'appelle également la maladie fibrokystique.
Maladie autosomique
récessive constamment mortelle, elle fait l'objet actuellement d'un diagnostic anténatal
et d'essais de thérapie génique.
La physiopathologie de la maladie s'explique, en partie, par une anomalie de la
sécrétion du mucus qui est anormalement épais et qui va s’accumuler dans différents
organes comme :
• Les voies respiratoires +++: c'est l'atteinte la plus menaçante avec comme conséquence
des bronchectasie avec surinfection constante et évolution vers une insuffisance
respiratoire grave.
• L’intestin grêle : iléus méconial du nouveau-né avec, éventuellement, péritonite
méconiale ; iléus stercoral de l'enfant et de l'adolescent.
• Pancréas : le mucus trop épais provoque une stase avec dilatation et formation de
kystes à partir des canaux excréteurs.
S'en suit une inflammation qui se chronicise
avec comme conséquence une fibrose (d’où ce nom de maladie fibrokystique).
Progressivement, la dilatation va s'accompagner d'une atrophie pariétale en particulier,
d'une atrophie des cellules des acinis.
Les îlots de Langerhans seront assez longtemps conservés et le diabète ne sera
que plus tardif.
Par contre, il existe assez précocément une insuffisance pancréatique exocrine,
d'où une stéatorrhée et secondairement, des troubles de croissance par carence en
vitamines liposolubles.
• Glandes salivaires : par un même mécanisme, on aboutit à un aspect fibrokystique
; la glande salivaire a un intérêt pratique du fait de la possibilité de biopsie de
muqueuse labiale.
• Voies biliaires : là encore, on a une sécrétion trop épaisse, d'où cholestase et
secondairement fibrose, c'est-à-dire cirrhose.
En dehors de l'anomalie du mucus, on observe une élimination excessive de sodium
et de chlore dans différentes glandes.
d- Mucopolysaccharidoses
:
Ce sont des maladies héréditaires, autosomiques et recessives qui resultent d’un
déficit de différentes enzymes lysosomiales nécessaires à la degradation des glycose-amino-glycanes dans les cellules.
D - Surcharges et infiltrations
protidiques :
1- Cystinurie et cystinose
:
Une anomalie de la membrane des cellules de l'épithélium rénal, d'origine génétique,
va expliquer :
• La cystinurie par réabsorption insuffisante de la cystine des lithiases cystiniques
• La cystinose par rétention de cystine et présence de petits cristaux intralysosomiaux
au niveau du rein mais aussi au niveau de la cornée et de la moëlle osseuse.
2- Oxaloses
:
Elles sont liées à un trouble du métabolisme de la glycine avec précipitation intratissulaire
de cristaux d'oxalate de calcium en disposition rayonnante ou en disposition
en gerbes de blé.
Il existe des oxaloses secondaires dues à l'insuffisance rénale ou précipitation dans
le conjonctif rénal, les muscles, le myocarde.
Il existe une oxalose primitive autosomique
et récessive avec des cristaux dans la rate, le foie, la moëlle osseuse.
3- Goutte
:
Troubles innés ou acquis du métabolisme des purines aboutissant à l’accumulation
d’acide urique sous forme essentiellement de cristaux d'urate de sodium.
L’acide urique est le produit final du métabolisme des purines.
Ces cristaux déclenchent : dans les synoviales une réaction inflammatoire aiguë exsudative (crise de goutte
aiguë) dans le parenchyme rénale : une réaction granulomateuse macrophagique et fibrosante
dont l'aspect le plus important est la néphrite interstitielle.
L'examen microscopique pourra mettre en évidence une lésion typique : le tophus
goutteux caractérisé par une zone centrale correspondant à une accumulation de
cristaux d’urate de sodium.
Cette zone centrale est entourée par un granulome inflammatoire composé d’histiocytes, de lymphocytes et de plasmocytes.
E - Surcharges et infiltrations
pigmentaires :
On a tendance, en immunopathologie, à regrouper traditionnellement sous le même
chapitre les pigments et métaux.
Certains pigments (substances colorées) sont exogènes (charbon, caroténoïde,
argent).
D'autres sont endogènes : bile, mélanine, lipofuschine.
En pratique, l'histopathologiste pourra être amené à faire le diagnostic de la variété
de la nature du pigment.
A titre d'exemple, un dépôt brunâtre peut amener à discuter,
au niveau du foie, un dépôt d'origine biliaire, un dépôt d'origine lipofuschinique
(produit de dégradation d’organites intra-cellulaires) ou un dépôt d'origine hémosidérinique
(riche en fer).
Plus rarement il pourra s’agir d’une surcharge en cuivre.
Pour
différencier ces différents pigments, il est possible de s’aider de colorations spéciales.
F - Métaux
:
1- Fer :
Les surcharges ferriques correspondent à des sidéroses.
Il existe des sidéroses
exogènes, comme par exemple au cours des pneumokonioses.
La surcharge endogène s'appelle hémosidérose.
Elle correspond à l’accumulation
d’hémosidérine (pigment brun jaunâtre qui dérive de l’hémoglobine).
On distingue
les hémosidéroses localisées des hémosidéroses généralisées.
• Les hémosidéroses localisées peuvent se voir à la suite d'hémorragie, en particulier
au niveau d'hématome en voie d'organisation, au niveau d'hémorragies pulmonaires
(poumon cardiaque), syndrome de Goodpasture, ou au niveau de tumeur
vasculaire comme, par exemple, le sarcome de Kaposi du SIDA
• Les hémosidéroses généralisées correspondent à une augmentation des réserves
de fer de l’organisme aboutissant à une surcharge polyviscérale. Le fer en excès
s’accumule dans les macrophages et dans les cellules parenchymateuses.
La surcharge
peut être visible macroscopiquement si elle est importante et se traduit par
une coloration brune des viscères , voire une sensation de dureté et de crissement à
la coupe.
• Les hémosidéroses généralisées peuvent être primitives ou secondaires.
Plusieurs
mécanismes sont possibles :
• Augmentation de l’absoption duodénale du fer alimentaire
• Anomalie de l’utilisation du fer
• Anémie réfractaire, hémolyses
• Transfusions sanguines répétées
• Dans les hémosidéroses généralisées secondaires (exemple : anémie réfractaire,
hémolyse, transfusions sanguines répétées), le fer s’accumule dans les phagocytes
mononuclées du foie (cellules de Kupffer), de la rate, de la moelle osseuse,
des ganglions lymphatiques et dans les macrophages dispersés dans d’autres organes
(peau, pancréas, rein).
Lorsque la surcharge augmente, la surcharge s’étendra
aux cellules parenchymateuses (foie, pancréas, coeur, glandes endocrines) mais en
général, il s’agit d’une hémosidérose pure sans sclérose.
Dans l’hémosidérose généralisée primitive ou hémochromatose (maladie héréditaire
à transmission autosomique récessive), l’accumulation de fer dans le foie se
fait essentiellement dans les cellules parenchymateuses (comme les hépatocytes)
s’étendant aux phagocytes mononuclées car la surcharge est importante.
Il s’y associe
une destruction du parenchyme et une fibrose aboutissant à une cirrhose souvent
hypertrophique de teinte particulière (rouille).
Le développement d’un hépatocarcinome est assez fréquent.
Les autres organes touchés sont :
• La peau et les muqueuses: elles ont souvent une pigmentation particulière qu'on
explique à la fois par une surcharge ferrique mais aussi par une mélanodermie d'origine
hypophysaire secondaire à l'altération des surrénales.
• Le pancréas, exocrine ou endocrine
• Le myocarde avec atteinte des cellules musculaires et fibrose à prédominance
sous-endocardique et risque d’insuffisance cardiaque.
• Le tube digestif
• Les glandes endocrines
2- Cuivre
:
On sait que le cuivre intervient dans l'activité normale de nombreuses enzymes dont
la monoaminoxydase, de la dopamine bêta hydroxylase, de la lysine oxydase, de la
superoxyde dismutase.
Quant à la coeruloplasmine est non seulement un transporteur
mais aussi un anti-oxydant qui intervient dans les limitations des réactions
inflammatoires.
La surcharge en cuivre s'observe dans la maladie de Wilson, maladie autosomique
et récessive.
Les organes atteints sont le foie (stéatose, nécrose, cirrhose) mais
aussi la cornée (dépôt brun verdâtre périphérique), la peau (pigmentation), le rein
(atteinte tubulaire) et le système nerveux central (perte neuronale et réaction astrocytaire
dans les noyaux gris centraux).
• Autres.
D'autres métaux doivent être envisagés, en particulier l'aluminium et le zinc impliqués
dans la maladie d'Alzheimer.
Mais, ils ne donnent pas de dépôts identifiables
aisément par l'anatomo-pathologiste.