La rosacée est une dermatose faciale bénigne et très fréquente
souvent associée dans l’esprit populaire à une consommation
alcoolique excessive.
Elle se caractérise par des signes vasculaires et
surtout des papulopustules à la phase d’état.
Le diagnostic en est
avant tout clinique et est assez facile à la phase papulopustuleuse.
De multiples travaux ont été menés pour en saisir le mécanisme.
Celui-ci est aujourd’hui encore mal compris et la prise en charge
thérapeutique de la maladie reste donc empirique.
La rosacée doit
absolument être distinguée de l’acné avec laquelle elle a longtemps
été confondue, ce que le terme aujourd’hui abandonné d’« acné
rosacée » a perpétré dans l’esprit des médecins non dermatologues.
Épidémiologie :
La rosacée touche surtout les adultes d’âge moyen, mais des formes
pédiatriques sont possibles.
Quelques cas de rosacée classique de
l’enfant sont publiés, mais les formes granulomateuses plus
proches de la dermatite périorale semblent plus fréquentes dans le
jeune âge.
Certaines formes pédiatriques sont de véritables
démodécies, même chez des enfants immunocompétents.
La
rosacée survient principalement chez les sujets à peau claire, alors
qu’elle est moins fréquente chez les Asiatiques et rare sur peau noire.
La fréquence en serait proche de 10 % en Suède et on estime que la
rosacée représente en France 2 à 3% des consultations chez les
dermatologues libéraux.
Une étude plus récente a montré que
dans une consultation de dermatologie « rhumatologique » 5,1 %
d’un groupe de 314 nouveaux malades avaient une rosacée.
Le
rapport hommes/femmes est probablement plus proche de 1 que ne
l’ont suggéré certaines études, mais les femmes consultent plus tôt
et plus souvent que les hommes.
Aspects cliniques :
La rosacée évolue en quatre phases qui peuvent être successives ou
non.
Beaucoup de malades ont une rosacée minime qu’ils ignorent.
Certains au contraire développent d’emblée des lésions
hypertrophiques faciales, sans passer par les stades précédents de la
rosacée.
A - LES QUATRE STADES DE LA ROSACÉE
:
1- Stade I
:
Les manifestations de cette phase sont vasculaires : il s’agit de
bouffées vasomotrices paroxystiques du visage ou du
décolleté (flushes des Anglo-Saxons).
La rougeur s’accompagne
parfois d’un larmoiement et d’une hyperhémie conjonctivale.
Les
bouffées surviennent souvent lors des repas chauds ou de l’ingestion
d’alcool et de boissons chaudes.
Les sujets atteints sont souvent thermophobes et les changements de température peuvent entraîner
des bouffées vasomotrices, en particulier en entrant dans un endroit
chaud.
Les bouffées vasomotrices peuvent être inhibées en suçant
un glaçon ( ice cheep therapy).
2- Stade II :
Il s’agit d’un état érythémateux permanent du visage associé à des
télangiectasies appelé érythrocouperose.
Les localisations de cet
érythème sont les pommettes, le front, le nez et le menton.
On
observe une zone de couleur normale autour de la bouche et des
yeux, qui semble blanche par contraste avec l’érythème.
La zone
glabre du cuir chevelu chez les hommes peut être atteinte.
La
rosacée est le plus souvent bilatérale et symétrique mais des formes
unilatérales sont possibles.
Dans certains cas, l’érythrose peut
s’accompagner d’un oedème dur permanent des zones atteintes par
la rougeur.
La distinction entre les stades I et II est souvent difficile
à faire et les auteurs allemands regroupent ces deux stades initiaux
en un seul.
Griffiths décrit une forme de bouffées vasomotrices
avec sensations de brûlures intenses et hypersensibilité cutanée qu’il individualise sous le nom d’érythrodysesthésie.
Il individualise
aussi un « syndrome MARSH », mélange de symptômes recouvrant
le mélasma, l’acné, la rosacée, la dermite séborrhéique et
l’hirsutisme.
3- Stade III des papulopustules :
C’est la phase d’état, caractéristique de la rosacée.
En plus de l’état érythrotélangiectasique, le visage est parsemé de papules rosées et
de pustules en général non folliculaires.
Leur nombre est très
variable, de quelques papules à de très nombreux éléments papulopustuleux couvrant la totalité du visage.
L’évolution de la
rosacée à sa phase d’état est très chronique, émaillée de poussées de
nouvelles lésions qui peuvent guérir spontanément. L’évolution
naturelle est très capricieuse et imprévisible.
C’est dans ce stade
qu’on décrit parfois des localisations extrafaciales, c’est-à-dire des
papulopustules localisées au décolleté, au dos ou même aux
membres.
Comme ces lésions sont rarement recherchées de façon
systématique, leur prévalence réelle est inconnue.
Les formes papulopustuleuses tout à fait unilatérales sont de fréquence mal
connue mais ne sont pas exceptionnelles.
Elles doivent faire
envisager le diagnostic de démodécie.
Même en dehors des poussées papulopustuleuses, il peut persister
un oedème facial « solide », de traitement très difficile.
Dans sa
forme isolée, cet oedème est parfois qualifié de « maladie du
Morbihan ».
Jansen et al ont décrit un cas de rosacée avec oedème
facial persistant associé à un lymphoedème congénital des membres
inférieurs, suggérant le rôle d’une anomalie lymphatique primitive
dans les deux symptômes.
4- Stade IV de l’éléphantiasis facial
:
Il concerne presque exclusivement les hommes.
Dans la majorité des
cas, le rhinophyma est typique, associé à une rosacée
papulopustuleuse d’évolution ancienne, mais peut s’installer parfois
sans rosacée préalable.
Le volume du nez est augmenté, la peau est
érythémateuse et s’épaissit.
Les orifices des glandes sébacés
deviennent exagérément visibles, pour aboutir à des dilatations
majeures.
La phase d’état offre le tableau classique de la
« trogne » ou « éléphantiasis des buveurs » ou encore du whisky nose.
L’association avec un alcoolisme chronique n’est toutefois
pas la règle.
Les lésions sont en général symétriques, mais des
formes de rhinophyma unilatérales sont possibles.
D’autres zones
du visage peuvent être touchées par le même processus,
aboutissant à un otophyma (touchant les oreilles), un métophyma
(atteinte du front), un blépharophyma (atteinte des paupières) ou
un gnatophyma (atteinte du menton).
B - FORMES CLINIQUES :
1- Rosacée granulomateuse :
Elle se caractérise par la présence de multiples papules infiltrées
jaunâtres à la vitropression ; cette forme est assez rare et concerne
moins de 10 % des rosacées à la phase d’état.
On parle parfois de
rosacée lupoïde, décrite initialement par Lewandowsky comme
faisant partie des tuberculides.
Cette forme touche la femme entre
20 et 50 ans.
Les papules ont parfois un reflet brunâtre et peuvent
laisser une petite cicatrice érythémateuse. Dans certaines
classifications, on regroupe ces maladies dans les
« pseudotuberculides ».
La biopsie cutanée des lésions montre un
infiltrat lymphohistiocytaire et des granulomes épithélioïdes dans le
derme superficiel, pouvant contenir des cellules géantes.
C’est
dans cette forme que des Demodex folliculorum sont souvent observés
dans les lésions et peuvent être à l’origine de ces granulomes.
Globalement, les lésions histologiques de la rosacée granulomateuse
ne sont pas très différentes de celles de la rosacée simple.
On
peut toutefois trouver des granulomes centrés par de la nécrose,
ce qui a entretenu la confusion avec les tuberculides.
Certains auteurs s’accordent aujourd’hui pour inclure dans cette
forme le lupus miliaire disséminé de la face, ainsi que le syndrome
Face (facial afro-caribbean childhood eruption) décrit chez des enfants
afro-caraïbiens.
Le classique « lupus miliaris disseminatus faciei »
a été longtemps considéré comme faisant partie du spectre des
tuberculides.
Cette éruption se rencontre chez de jeunes adultes qui
développent pendant 12 à 24 mois de multiples papules brunes à
centre jaunâtre, localisées aux joues, au front et aux sourcils, et
s’étendant parfois au tronc et aux membres.
Les lésions se couvrent
de croûtelles ou de pustules et guérissent en laissant une petite
cicatrice.
Les antituberculeux sont inefficaces et on ne trouve pas de
foyer tuberculeux associé.
L’examen histologique montre des zones
de nécrose du derme superficiel, entourées d’un petit granulome lymphoépithélioïde, ainsi que des dilatations vasculaires et un
infiltrat périvasculaire non spécifique.
La résolution est en général
spontanée.
Une éruption papuleuse périoculaire et péribuccale survenant chez
des enfants noirs a été décrite sous plusieurs termes : « éruption
papuleuse et acnéiforme faciale des enfants noirs », « dermite
périorale granulomateuse infantile » et « Face » ou « éruption
faciale des enfants afro-caraïbiens ».
Il s’agit d’une éruption très
monomorphe de petites papules dont l’image histologique est
proche de celle de la rosacée.
Les lésions sont parfois un peu hypopigmentées et diffèrent de l’acné par l’absence de pustules et
de comédons. La résolution est spontanée après plusieurs mois.
On
peut raisonnablement penser que cette entité représente une forme
originale de rosacée.
2- Rosacée fulminans :
Le terme de « rosacea fulminans » a été introduit par Plewig et
Kligman et est parfois remplacé par « pyoderma faciale » dans la
littérature américaine.
Cette maladie est caractérisée par sa
survenue brutale chez des femmes jeunes (âge moyen 25 ans) sans
antécédent d’acné, précédée d’une importante séborrhée du visage.
Les malades ont une histoire longue d’érythème sombre et
persistant, prédominant au centre du visage.
Les lésions
apparaissent de façon explosive et sont constituées de papules, de
pustules formant parfois des placards coalescents et des sinus
profonds d’où sort un matériel purulent.
Il s’y associe des nodules
profonds douloureux à la palpation.
Le visage est le siège d’un
oedème diffus rouge cyanotique.
Les zones atteintes sont celles de la
rosacée.
Au contraire de l’acné fulminans, il n’y a ni comédons, ni
fièvre, ni hyperleucocytose associés.
La maladie guérit toutefois avec
peu de séquelles, contrairement aux acnés graves et ne récidive en
général pas.
Il existe aussi dans cette forme des lésions extrafaciales
de même nature, sur le tronc ou les mains.
Le traitement associe
l’isotrétinoïne et les corticoïdes topiques ou systémiques.
3- Rosacée stéroïdienne :
L’application prolongée de corticoïdes sur le visage entraîne une
dépendance importante, avec réapparition brutale de lésions
inflammatoires dès l’arrêt et des sensations de brûlures.
De ce fait,
les patients ont tendance à appliquer de plus en plus fréquemment
le corticoïde pour garder un bénéfice symptomatique.
Après
plusieurs mois, on observe des tableaux de rosacée stéroïdienne, même sans rosacée préalable.
L’érythème est très prononcé et
est parsemé de télangiectasies de large calibre, avec des papules
rouge violacé et des pustules, situées en particulier dans les zones
où le corticoïde a été appliqué.
On voit ainsi des rosacées
stéroïdiennes localisées aux paupières ou seulement au menton.
Ces
effets secondaires seraient plus fréquents avec les corticoïdes fluorés.
Les corticoïdes en spray nasal peuvent aussi induire des rosacées.
4- Dermite des écrans :
Des auteurs scandinaves ont décrit une dermite faciale très proche
de la rosacée et qui surviendrait préférentiellement chez des sujets
exposés pendant de longues heures à des écrans d’ordinateur et
qui se plaignent de sensations de brûlures, de démangeaisons ou
d’inconfort facial.
Ces symptômes s’améliorent le week-end et
pendant les vacances.
La plupart de ces malades avaient une
dermatose faciale préexistante, mais que les auteurs ont jugée
aggravée par l’exposition aux écrans.
Toutefois, les mêmes auteurs
n’ont pas pu démontrer de différence histologique chez les sujets
exposés par rapport à des témoins.
Enfin, dans une étude portant
sur 3 877 employés de bureau, les signes subjectifs étaient plus
fréquents chez les personnes exposées aux écrans, mais l’examen
objectif ne montrait pas de différence par rapport aux employés ne
travaillant pas avec des écrans.
La question d’une aggravation de la
rosacée par l’exposition aux écrans reste ouverte, dans la mesure où
cette hypothèse n’a pas été validée par d’autres équipes.
C - COMPLICATIONS :
1- Complications oculaires
:
L’atteinte oculaire est extrêmement fréquente dans la rosacée
et la prévalence des signes oculaires associés est d’autant plus
fréquente qu’on les recherche de façon systématique, soit par un
simple examen clinique, soit par un test de Schirmer.
Il existe
souvent des manifestations a minima de sécheresse oculaire.
Il
pourrait exister une atteinte oculaire dans 50 % des cas de rosacée,
mais la plupart sont peu symptomatiques.
Le plus souvent les signes
oculaires sont associés à des signes cutanés typiques de rosacée,
mais on décrit des formes oculaires isolées ou précédant l’apparition
des signes cutanés.
Le signe le plus fréquent est une gêne à type de
prurit.
Parmi les diverses lésions oculaires liées à la rosacée, on trouve des
blépharites, des inflammations des glandes de Meibomius, des
épisclérites et des chalazions.
La conjonctivite est de loin la plus
fréquente et elle s’associe à une atteinte cornéenne dans un
cas sur trois.
Celle-ci se manifeste par des douleurs, un larmoiement
et une photophobie relative.
Elle peut entraîner un hypopion, voire
des ulcérations ou des perforations avec séquelles cornéennes, qui
pourraient atteindre 5 % des malades. Les complications oculaires
seraient plus fréquentes chez les hommes.
L’atteinte des
paupières la plus fréquente se caractérise par des télangiectasies
marginales.
On trouve ensuite des blépharites granulomateuses
pouvant évoluer vers des cicatrices atrophiques.
Le blépharophyma peut être si important qu’il entraîne parfois une
gêne visuelle.
2- Folliculites à germes à Gram négatif :
Il s’agit d’une complication peu fréquente de l’acné et de la rosacée.
Jansen et al distinguent les folliculites de type I qui se présentent
sous forme de multiples papules et pustules qui semblent sortir du
nez et les folliculites de type II caractérisées par des nodules
inflammatoires profonds.
Les premières sont plutôt dues à Klebsiella,
Enterobacter et Escherichia coli, alors que les secondes sont causées
par Proteus mirabilis.
3- Complications rares :
La survenue de carcinome spinocellulaire sur un rhinophyma a été
rapportée.
Très peu d’autres cas ont été décrits dans la littérature.
En revanche, il existe une série de cas de carcinomes basocellulaires
sur rhinophyma.
Enfin, l’analyse de la pièce chirurgicale d’une
réduction de rhinophyma a montré la présence d’un carcinome
sébacé.
Diagnostic :
A - DIAGNOSTIC POSITIF :
Le diagnostic de la rosacée est avant tout clinique.
Il repose sur la
notion de bouffées vasomotrices ou de thermophobie à
l’interrogatoire, sur les signes cardinaux et sur la localisation des
lésions.
En cas de doute, on peut réaliser une biopsie, surtout pour
éliminer un lupus.
Les signes histopathologiques de la rosacée ne sont toutefois pas
pathognomoniques.
On observe un infiltrat inflammatoire du derme
superficiel et moyen, de topographie périvasculaire et périannexielle.
On trouve des capillaires dilatés, voire de véritables télangiectasies.
Ces capillaires ont de petites anomalies de paroi, telle qu’une perte
du revêtement endothélial et parfois une forme très anormale.
Il
peut s’y associer quelques modifications spongiotiques de
l’épiderme.
L’infiltrat est composé en majorité de lymphocytes et de
macrophages et parfois de petits granulomes du derme superficiel
rarement centrés par des zones de nécrose.
Il est fréquent de voir
des Demodex folliculorum dans les infundibulums pilaires ou dans
le derme. Le derme est souvent le siège d’une élastose sénile.
Un dermatopathologiste entraîné peut répondre « rosacée » sur une
biopsie cutanée, mais le plus souvent le diagnostic est celui d’une
dermite périvasculaire peu spécifique.
B - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
1- Acné :
L’acné doit clairement être distinguée de la rosacée et l’appellation
« acné rosacée » a été rayée de la terminologie française.
L’acné
touche en général des sujets plus jeunes.
La rosacée ne comprend ni
séborrhée, ni comédons, ni kystes superficiels ou profonds.
L’extension extrafaciale fréquente dans l’acné est plus rare dans la
rosacée.
La rosacée est une maladie à composante vasculaire, non
folliculaire et dans laquelle les glandes sébacées ne jouent aucun
rôle.
2- Lupus érythémateux :
Certaines rosacées peuvent être distribuées en « loup » facial, mais
il existe souvent une notion de bouffées vasomotrices, une extension
au menton ou à la région médiofrontale et surtout des
papulopustules qui manquent dans le lupus.
L’atteinte des cellules de la couche
basale de l’épiderme est caractéristique du lupus et
permet de faire le diagnostic différentiel à la biopsie
cutanée.
3- Dermite périorale :
Cette affection touche principalement des
femmes, dans 90 % des
cas, à un âge inférieur à celui de la rosacée (20 à 35 ans).
Elle se
manifeste sous forme de papules érythémateuses du menton ou de
toute la zone péribuccale.
Des formes périoculaires sont possibles.
Il
n’y a pas d’érythème de fond ni de télangiectasies et surtout jamais
d’atteinte oculaire.
Cette maladie a été fréquemment observée dans
les années 1970 après la mise sur le marché de corticoïdes fluorés et
sa fréquence a ensuite diminué dans les années 1980.
On voit
néanmoins des dermatites périorales hors de toute corticothérapie
locale.
Le mécanisme en est mal connu : l’occlusion induite par
certains cosmétiques ou l’utilisation de dentifrices contenant du
fluor pourraient être en cause.
4- Autres causes de visage rouge :
Il existe des bouffées vasomotrices banales dans la préménopause
ou des poussées beaucoup plus violentes dans les mastocytoses
systémiques et les tumeurs carcinoïdes sécrétant des substances
vasoactives.
On trouve par ailleurs les diverses causes d’érythrose
permanente du visage, dont la plus banale est l’alcoolisme chronique
ou plus rarement la polyglobulie primitive.
De la même façon, les
télangiectasies peuvent être une couperose banale sans aucun signe
associé ou entrer dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler.
Les
télangiectasies de la sclérodermie systémique sont en général bien
différentes, par leur petite taille et leur forme plus rectangulaire ou
géométrique.
5- Autres diagnostics
:
Parmi les dermatoses faciales, la dermite séborrhéique est différente
de la rosacée, mais il n’est pas rare de pouvoir hésiter entre ces deux
diagnostics, quand les lésions semblent appartenir aux deux
affections : aspect de squames sur fond d’érythème s’associant à un
visage rouge et télangiectasique par exemple.
Les deux maladies
peuvent en fait être associées.
C’est dans ce groupe qu’on peut
classer le syndrome MARSH de Griffiths. Les formes
oedémateuses peuvent faire discuter la dermatomyosite, mais ceci
est plutôt académique.
Physiopathologie :
La physiopathologie n’est pas encore totalement élucidée, mais
aujourd’hui la majorité des auteurs considèrent la rosacée comme
une maladie primitivement vasculaire.
A - THÉORIES ANCIENNES :
On n’accorde plus aujourd’hui d’importance aux facteurs
alimentaires.
S’il est clair que l’absorption d’alcool peut entraîner
des bouffées vasomotrices, la majorité des rosacées surviennent chez
des sujets non alcooliques.
La température du repas ou d’une
boisson peut aussi jouer le même rôle, mais la qualité des aliments
ingérés n’est pas en cause.
On a aussi longtemps discuté des
facteurs digestifs (troubles du transit, gastrites) qui auraient pu
causer la rosacée, mais ils ne sont pas plus fréquents dans la
rosacée.
Certaines publications ont suggéré que l’infection par Helicobacter pylori pourrait avoir un lien avec la rosacée, mais
ceci est désormais très controversé.
Il faut enfin citer une
petite série de quatre malades ayant à la fois une rosacée et une
rectocolite, sans qu’aucune autre étude n’ait confirmé la
pertinence d’une telle association.
Il existe aussi un cas d’association
de rosacée fulminans et de rectocolite.
Les facteurs psychologiques ne semblent pas jouer un rôle majeur
dans la genèse de la rosacée, bien qu’il ne soit pas toujours facile
d’apprécier le caractère psychosomatique.
Au contraire, il semble
que des troubles d’ordre psychologique, voire psychiatrique, soient
plutôt la conséquence de la maladie et de son caractère affichant.
On a aussi suspecté le rôle des glandes sébacées dans la maladie.
L’excrétion des cellules sébacées ainsi que la composition du film
lipidique de surface ne sont pas modifiés dans la rosacée.
B - THÉORIE INFECTIEUSE :
Par analogie avec l’acné d’une part et en raison de l’efficacité des
antibiotiques d’autre part, le rôle potentiel d’un agent infectieux a
été envisagé.
Les pustules sont stériles et leur mécanisme
d’apparition reste mal compris.
Il n’y a en tous cas aucun argument
pour incriminer des germes comme Staphylococcus epidermidis ou
Propionibacterium acnes.
Plusieurs études ont montré qu’il existe une augmentation du
nombre de Demodex folliculorum dans les follicules pilosébacés
par des comptages sur des biopsies traditionnelles ou par
des biopsies de surface.
D’autres auteurs ont mis en relation
la présence de Demodex avec la formation des granulomes
dermiques de la rosacée granulomateuse.
De plus, on trouve
parfois des anticorps anti-Demodex chez les malades atteints de
formes granulomateuses.
Wilkin suggère que l’oedème facial,
même cliniquement non visible, pourrait être à l’origine d’une
colonisation accrue par ces parasites.
Toutefois, l’augmentation
de densité du parasite chez les sujets atteints de rosacée ne suffit pas à prouver qu’il en est la cause.
Forton et al pensent que le parasite
ne joue un rôle qu’au stade III des papulopustules.
L’efficacité du métronidazole dans la rosacée ne va pas dans le sens de ces
hypothèses, car il n’a pas d’activité sur les Demodex.
De plus,
après un traitement par cyclines qui améliore la rosacée, le nombre
de Demodex n’est pas significativement plus faible qu’avant le
traitement.
Certaines formes semblent être de véritables
démodécies, qui ne répondent pas au traitement par métronidazole,
mais nécessitent un traitement antiparasitaire spécifique
(crotamiton, lindane ou perméthrine).
Rebora et al ont les premiers montré dans une petite série la
fréquence du portage d’Helicobacter pylori chez les malades atteints
de rosacée.
En effet, dans un groupe de 31 malades, ce germe a
été isolé dans le suc gastrique de 84 % d’entre eux, ce qui est
supérieur à la fréquence attendue de 45 %.
La guérison par
traitement anti-Helicobacter pylori d’un cas spectaculaire de rosacée
résistante allait dans le même sens et Parish prenait cette
hypothèse très au sérieux.
Plusieurs travaux récents sont venus
tempérer cet enthousiasme : Jones et al ont tout d’abord montré que
le taux d’examens sérologiques pour la détection de Helicobacter
pylori était de 23 % dans un groupe de 52 malades atteints de
rosacée, contre 22 % chez 133 témoins.
Ceci a été confirmé par un
travail coréen où la prévalence du portage d’Helicobacter pylori par
le test à l’urée sur biopsie gastrique était de 65 % dans un groupe de
20 sujets atteints de rosacée, contre 75 % dans la population générale
coréenne.
La même absence de différence dans la prévalence du
portage a aussi été trouvée dans une étude turque.
Les résultats
de l’éradication du germe sur la rosacée sont contradictoires.
Utas et
al ont suggéré que les signes de rosacée diminuaient après
traitement, mais ils n’avaient pas de groupe contrôle traité, ni de
groupe placebo.
Won et al ont vu une diminution des signes de
rosacée plus importante chez les malades porteurs du germe que
chez ceux qui en étaient indemnes.
Au contraire, en comparant
20 patients traités et 22 sous placebo, Bamford et al n’ont pas trouvé
de différence sur l’évolution de la rosacée, bien que les signes aient
diminué dans les deux groupes, montrant une fois de plus la
nécessité absolue du placebo dans ce type d’étude.
Si l’infection à Helicobacter pylori peut dans certains cas exacerber une rosacée, le
rôle de ce germe semble désormais accessoire.
C - THÉORIE CLIMATIQUE :
L’exposition au froid et aux intempéries semble être un facteur
d’aggravation de la rosacée, mais l’exposition solaire a aussi été
incriminée.
On a ainsi décrit un cas de rosacée survenu après
PUVAthérapie. Une étude histopathologique suggère qu’une
élastose actinique précède l’apparition de la vasodilatation et des
modifications inflammatoires plus caractéristiques.
L’amélioration
ou l’aggravation de la rosacée après exposition solaire varient en
fait considérablement d’un sujet à l’autre.
Le seul élément patent au
sein des facteurs climatiques est le déclenchement des bouffées
vasomotrices par des variations importantes de température, qui
surviennent plus fréquemment en hiver.
Toutefois, des auteurs
scandinaves comme Neuman continuent à penser que
l’exposition solaire est le facteur déclenchant des anomalies des
capillaires.
D - FACTEURS IMMUNOLOGIQUES :
L’existence de dépôts d’immunoglobulines et de complément à la
jonction dermoépidermique est un phénomène fréquent dans la
rosacée, mais qui n’a rien de spécifique.
On a décrit aussi des
anticorps anticollagène ou des anticorps antinucléaires, dont la
synthèse pourrait être induite par les dégâts actiniques du collagène
IV du derme papillaire.
E - THÉORIE VASCULAIRE :
1- Arguments cliniques
:
Les signes élémentaires de la rosacée cutanée et oculaire aux phases
de début sont de nature vasculaire : les bouffées vasomotrices, les
télangiectasies, la rougeur permanente du visage.
L’examen
histologique montre aux stades initiaux des dilatations des
capillaires superficiels et un oedème du derme.
Des altérations fines
comme la modification de forme des capillaires et la rupture de
continuité du revêtement endothélial sont les témoins de l’atteinte
primitivement vasculaire.
De plus, la rosacée est significativement
associée aux migraines, qui sont aussi une maladie vasculaire.
Enfin, la rosacée s’accompagne souvent de thermophobie.
Les bouffées vasomotrices se traduisent par une augmentation du
flux vasculaire dans le derme superficiel, pouvant entraîner un
oedème dermique permanent.
2- Arguments pharmacologiques
:
La clonidine est active chez certains malades dans la réduction de
l’intensité des bouffées vasomotrices faciales.
Cette activité
pharmacologique d’un médicament antihypertenseur peut être un
argument pour l’origine vasculaire de la rosacée.
De plus, le flush
s’accompagne dans tous les cas d’une augmentation de la bradikinine circulante, laquelle entraîne une vasodilatation
importante.
On trouve aussi une augmentation de la substance P,
neuromédiateur aux propriétés vasodilatatrices, autour des
capillaires dans des zones atteintes par la rosacée, ainsi que dans
le sérum des sujets atteints.
L’interprétation de ces résultats n’est
pas univoque, mais elle suggère encore l’intervention d’un
mécanisme vasculaire.
3- Arguments expérimentaux :
La théorie suivante repose tout d’abord sur la constatation d’une
parfaite similitude entre les zones du visage atteintes par la rosacée
et le territoire de drainage de la veine faciale.
Des physiologistes ont
montré que la vascularisation faciale joue un rôle dans le contrôle
de la température cérébrale. Normalement, le sang de la veine
faciale s’écoule vers le bas pour rejoindre la veine jugulaire.
En
situation de surchauffe provoquée par exemple par un bain chaud
ou un effort physique, une inversion du courant de la veine faciale
est possible : le sang remonte vers la veine angulaire et va par la
veine ophtalmique supérieure vers le sinus caverneux où il est en
contact étroit avec le siphon carotidien.
Le sang veineux refroidi à la
surface du visage permet alors un refroidissement du sang artériel.
Il s’agit d’un mécanisme de protection physiologique contre la
« surchauffe cérébrale ».
Brinnel et al ont comparé des
volontaires sains à des sujets atteints de rosacée et les ont exposés à
une augmentation de la température par des bains chauds ou
absorption de boissons chaudes.
Chez les malades, il existait un
défaut d’inversion du courant de la veine faciale, qui se traduisait
par une augmentation de la température cérébrale, le sang facial ne
jouant pas son rôle de « refroidisseur ».
Il pourrait donc exister une
anomalie primitive de la vascularisation faciale.
Au total :
– la rosacée se caractérise par des altérations pariétales des
capillaires et un oedème dermique ;
– les bouffées vasomotrices sont des dilatations veineuses, avec
retard de vidange des plexus veineux ;
– des anomalies primitives de la vascularisation faciale existent chez
certains sujets.
Ceci pourrait permettre d’expliquer les autres lésions : présence
de cellules inflammatoires liée à la stase, libération de facteurs
d’angiogenèse par des protéases provenant des cellules
inflammatoires, colonisation accrue par les Demodex, libération de
facteurs chimiotactiques pour les polynucléaires...
Traitement
:
Celui de la rosacée repose sur des bases empiriques. Une revue de
la littérature fait apparaître le faible nombre d’études contrôlées de
bonne qualité méthodologique.
Il n’existe aucune grande étude contrôlée qui puisse être classée dans la catégorie A des essais
cliniques définie par Poynard.
Bamford a fait remarquer que
l’interprétation des essais doit être prudente, car il existe
d’importantes variations interobservateurs dans l’évaluation
clinique.
En France, les seuls traitements ayant une autorisation de
mise sur le marché dans cette indication sont le métronidazole
topique et la doxycycline.
En raison de l’évolution imprévisible de la maladie, l’évaluation de
l’efficacité de tout traitement doit intégrer un groupe contrôle.
L’effet
placebo ou l’effet de l’excipient seul est de surcroît très important :
40 % de bons résultats sous placebo, amélioration dans 61 % des
cas avec excipient seul, 20 % de répondeurs avec excipient seul.
A - TRAITEMENTS MINEURS :
1- Traitements locaux
:
Le peroxyde de benzoyle a été testé dans une étude sur 58 cas ; bien
que l’efficacité soit supérieure à celle de l’excipient, les méthodes
utilisées et le manque de précision empêchent de conclure.
Il existe
une étude clindamycine topique versus tétracycline per os, portant
sur 43 cas ; des résultats similaires à ceux de la tétracycline ont
été obtenus après 12 semaines de traitement, mais les méthodes
manquent de précision.
De même, une petite étude non détaillée
chez 40 malades a évalué un topique contenant 10 % de soufre par
rapport à la lymécyline.
Des résultats comparables auraient été
obtenus dans les deux groupes.
La perméthrine semble d’un usage
logique si on souhaite agir sur Demodex.
Une petite étude pilote
ouverte et non randomisée a comparé une crème à 5 % de perméthrine au métronidazole topique chez six patients : elle
suggère tout au plus l’intérêt de réaliser une étude comparative
randomisée.
Le seul traitement local qui ait bénéficié d’une étude un peu plus
détaillée sur le plan méthodologique est l’acide azélaïque à 20%, qui
s’est montré supérieur à son excipient dans un groupe de
33 malades.
Cette étude a été confirmée par un essai récent de métronidazole versus acide azélaïque chez 40 malades : dans
cette étude, l’efficacité globale n’était pas différente, et semblait
même supérieure sur l’érythème avec l’acide azélaïque.
Parmi les
traitements « non conventionnels », l’acide azélaïque est donc celui
qui a été le mieux évalué.
2- Traitements généraux :
La naloxone a été étudiée dans le cadre de flushes provoqués et ce
travail était une approche purement expérimentale de l’efficacité, qui
ne peut être extrapolée à l’utilisation en thérapeutique.
En raison
de l’association avec des migraines, un bêtabloquant (le nadolol) a
été utilisé une fois, mais s’est révélé tout à fait inefficace dans le
traitement des flushes.
Parmi les autres curiosités de la littérature, on
trouve un essai ouvert portant sur 13 malades traités par spironolactone : sept sujets sur les 11 ayant supporté le traitement
ont eu une « amélioration ».
Il existe un rapport anecdotique de
trois femmes traitées par acétate de cyprotérone et dont la totalité des
papulopustules ont disparu après 3 mois. Récemment, deux cas
de malades très améliorés par ondansétron (Zophren™) ont été
publiés. Aucune conclusion ne peut être tirée de ces divers
articles.
Une étude a comparé la clarithromycine 250 mg deux fois par jour
pendant 1 mois puis une fois par jour pendant 1 mois à un schéma
inhabituel de doxycycline (200 mg/j pendant 1 mois, puis 100 mg/j
pendant 1 mois).
La clarithromycine agit un peu plus vite, mais
les différences au terme de l’essai ne sont plus significatives.
Il est
toutefois difficile sur la base de cet essai de recommander la clarithromycine.
3- Clonidine :
Cunliffe et al ont été les premiers à proposer ce traitement dans la
rosacée chez des sujets souffrant de rosacée associée à une
migraine.
Une réduction de la fréquence et de l’intensité des
flushes de plus de 50 % a été obtenue chez 16 malades.
Une étude
plus expérimentale a été conduite ensuite par Wilkin, qui a
évalué l’efficacité de la clonidine (2 semaines de traitement) sur des
bouffées vasomotrices provoquées : aucun bénéfice clinique n’a été
observé.
Un seul essai contrôlé a été réalisé, mais dont les méthodes
ne sont pas détaillées : la clonidine à 0,075 mg/j s’est révélée
moins efficace que la tétracycline sur la réduction des
papulopustules mais a permis une diminution de la fréquence des
flushes et de l’intensité de l’érythème facial.
L’utilisation en pratique
des faibles doses de clonidine (un quart à trois quarts de comprimé
par jour) suggère que la réduction du nombre et de l’intensité des
bouffées vasomotrices est nette chez certains malades, mais nulle
chez d’autres.
Au total, l’administration de faibles doses de clonidine
peut être tentée en cas de flushes fréquents et intenses, mais ceci
n’est pas admis par tous les auteurs.
Par analogie, la rilmenidine a
été testée dans une étude randomisée, mais il n’a pas été possible
de mettre en évidence une efficacité supérieure au placebo.
4- Rétinoïdes
:
On trouve une série d’études ouvertes qui ont utilisé l’isotrétinoïne
à la dose de 0,5 à 1 mg/kg pendant 6 semaines à 6 mois, totalisant
plus de 150 malades ayant résisté aux traitements conventionnels.
La plus importante est celle de Hoting et al qui ont
étudié 92 malades traités par 0,5 mg/kg pendant 20 semaines. La
réduction du nombre des papulopustules et des nodules est rapide
et majeure après 12 semaines.
L’argument « historique » de la
résistance aux traitements antérieurs est à prendre en compte mais
on sait que les études ouvertes donnent toujours plus de résultats
favorables que les études contrôlées.
Dans une étude portant sur
47 malades, le taux de récidives pendant le suivi de 1 an n’a été que
de 15 %.
Une courte série ouverte (22 cas) suggère enfin que de
faibles doses d’isotrétinoïne (10 mg/j) peuvent aussi être efficaces
dans la rosacée résistant aux traitements habituels.
La trétinoïne topique à 0,025 % n’a été testée que dans une étude
ouverte portant sur 19 malades, permettant une réponse complète
chez 50 % des sujets.
Ici encore, une rémission persistant après
6 mois a été observée.
On trouve enfin une série de 22 malades
divisés en trois groupes qui ont reçu soit l’isotrétinoïne 10 mg/j, soit
la trétinoïne topique à 0,025 %, soit les deux.
Les deux traitements
se sont révélés efficaces, sans bénéfice supplémentaire de
l’association.
La taille des groupes étudiés permet toutefois
difficilement de conclure. Plus récemment, le rétinaldéhyde a été
proposé dans la rosacée.
Il semble pouvoir être efficace sur la
composante érythémateuse de l’affection, au moins dans un petit
groupe de 23 patientes.
Il n’y a toutefois pas eu de contrôle avec
l’excipient.
En conclusion, l’utilisation des rétinoïdes repose sur des études
ouvertes. Leur action semble toutefois spectaculaire dans des cas de
rosacée grave et résistante.
Certaines écoles utilisent de ce fait
couramment l’isotrétinoïne à faible dose.
Les conditions de
prescription en limitent toutefois l’utilisation dans une indication
non validée.
La seule indication en première intention est la rosacée fulminans.
B - TRAITEMENTS MAJEURS :
1- Cyclines :
L’efficacité de cette famille (tétracycline, doxycycline, minocycline)
est très largement consacrée par l’expérience de plus de 30 années
de prescription.
Curieusement, ces molécules n’ont pas bénéficié de
grands essais, mais les études contrôlées récentes utilisent une cycline comme traitement de référence.
Les premiers essais
ont montré tout d’abord une efficacité supérieure au placebo et
90 % de bons résultats à 8 semaines dans une série ouverte de
95 malades.
Toutefois, dans une autre étude ouverte sur
70 malades, dont 97 % ont été « guéris » à 6 mois, 24 % ont
récidivé immédiatement à l’arrêt, et plus de 70 % dans un délai de
4 ans.
Depuis que la doxycycline est disponible, cette molécule est
largement employée à la dose de 100 mg/j.
Certains utilisent aussi
la minocycline, sans qu’on dispose de données comparatives de ces
diverses molécules.
Les cyclines sont le traitement de référence de la
rosacée en raison de leur bonne efficacité, qui semble plus rapide
que celle du métronidazole topique.
La durée moyenne du
traitement est de 6 semaines à 3 mois.
Le traitement est néanmoins
le plus souvent suspensif et des cures répétées sont nécessaires pour
maintenir un effet thérapeutique.
Seule la doxycycline a obtenu pour
le moment l’indication officielle « rosacée » en France.
Les cyclines sont aussi le traitement de référence des formes
oculaires.
L’acide fusidique en gel semble plus
efficace dans les formes avec blépharite prédominante.
L’utilisation des corticoïdes en collyre
doit absolument être proscrite, car ils entraînent une
dépendance extrême.
2- Métronidazole :
Les premières études ont utilisé le métronidazole per os, qui s’est
révélé supérieur au placebo et d’efficacité équivalente à la
tétracycline.
Il existe au moins cinq études totalisant plus de
250 patients, qui donnent 70 % à 90 % de bons résultats en 6 à
12 semaines.
Le travail de Guilhou et al a montré une excellente
efficacité du métronidazole per os à la dose de 500 mg/j puis
250 mg/j dans 90 % des cas.
Ce médicament pourrait agir par
une inhibition de la production de radicaux libres par les
polynucléaires.
L’utilisation en est toutefois limitée par ses effets
secondaires, en particulier l’effet Antabuse.
Ce traitement a souvent
été proposé en cas d’échec des cyclines.
C’est la forme topique du métronidazole qui a été le mieux étudiée.
Un essai comparant une préparation à 5 % de métronidazole à
l’excipient et à la tétracycline a été le premier à suggérer l’efficacité
de la molécule par voie topique.
On trouve ensuite trois essais
testant l’efficacité d’une préparation à 1 %, versus placebo dans
81 cas, ou versus tétracycline dans 72 cas et 58 cas.
Enfin, la
forme commerciale moderne en gel à 0,75 % a été bien évaluée dans
trois grands essais versus excipient, soit en groupes parallèles,
soit en comparant une hémiface à l’autre.
L’efficacité est
clairement supérieure à celle de l’excipient dans la réduction du
nombre des papulopustules.
L’association de cyclines per os et de
métronidazole topique est très répandue chez les dermatologues,
mais son intérêt n’a jamais été validé.
En revanche, il a été démontré
dans un grand essai que le métronidazole en gel permet de
maintenir plusieurs mois le bénéfice obtenu après traitement par
cyclines plus métronidazole.
La forme en crème à 1 % est plus efficace que son excipient, surtout
quand elle est appliquée une fois par jour.
La tolérance semble
meilleure que pour la forme en gel.
En revanche, cette étude a
montré une efficacité non négligeable de l’excipient appliqué deux
fois par jour sur l’érythème, ce qui se traduisait par une absence de
différence significative avec le produit actif appliqué deux fois par
jour.
Une forme de métronidazole en crème est désormais disponible
en France.
C - TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DIVERS
:
L’électrocoagulation est très utilisée dans le traitement de la
couperose, mais la répétition des séances dans le temps est
nécessaire en raison des récidives.
Plus récemment, les lasers, à
argon tout d’abord, puis à colorant pulsé, ont été souvent utilisés
dans la même indication.
Leur efficacité semble acquise et le
nombre des séances nécessaires pour le traitement de la totalité des
lésions est inférieur à celui de l’électrocoagulation.
L’évaluation de
l’efficacité comparée de ces diverses méthodes est difficile à réaliser
en pratique et n’a pas fait l’objet à notre connaissance d’études
contrôlées.
Le traitement du rhinophyma fait appel à la chirurgie
classique, à la cryothérapie ou au laser CO2 (dioxyde de carbone).
Il ne faut pas négliger les divers cosmétiques proposés comme prise
en charge complémentaire de la rosacée, permettant de masquer la
rougeur en particulier.
On a souvent intérêt à associer une émulsion
au gel de métronidazole, qui a souvent un effet irritant ou asséchant.
Conclusion :
La rosacée est une dermatose fréquente mais bénigne qui peut toutefois
avoir un caractère affichant très prononcé.
La demande thérapeutique
est donc importante, surtout chez les femmes.
La prise en charge de la
rosacée par les dermatologues est habituellement assez aisée, mais il
s’agit d’une maladie récidivante et résistant parfois aux traitements
conventionnels.
La physiopathologie en est complexe et probablement
multifactorielle.