La détection d’une protéinurie peut se faire soit par
bandelette réactive, soit par dosage sur un échantillon
d’urine.
Les bandelettes réactives détectent toute protéinurie
supérieure à 200 mg/L contenant surtout de l’albumine.
Des urines normales mais fortement concentrées peuvent
donc donner une fausse positivité.
Une évaluation semiquantitative
de la protéinurie est obtenue en fonction de
la réaction colorée et doit être interprétée en fonction de
la concentration (densité) urinaire, mesurée sur cette
même bandelette.
Les bandelettes détectent un peu
moins bien les immunoglobulines, l’hémoglobine et la
myoglobine, et encore plus mal les chaînes légères
d’immunoglobuline.
Une bandelette positive pour la protéinurie ou un dosage
supérieur à 150 mg/L sur un échantillon doivent être
confirmés par une analyse sur les urines de 24 h.
B - Analyse
:
La mesure de la protéinurie sur un prélèvement d’urine
de 24 h est complétée par l’électrophorèse et éventuellement
l’immuno-électrophorèse des protéines urinaires.
Ces électrophorèses permettent de mesurer la proportion
d’albumine ou de g-globulines dans une protéinurie
glomérulaire, d’a- et b-globulines dans une protéinurie
tubulaire, ou de révéler la présence d’une protéine
normalement absente du sérum et des urines (chaîne
légère d’immunoglobuline, myoglobine, hémoglobine).
Protéinurie physiologique
:
A - Composition
:
Les urines contiennent normalement moins de 150 mg/24 h
de protéines et moins de 30 mg/24 h d’albumine.
Les
autres protéines urinaires physiologiques sont de
faibles quantités de globulines d’origines plasmatique ou
sécrétoire (immunoglobulines A) et surtout de protéines
sécrétées par les tubes (protéine de Tamm et Horsfall).
B - Variations physiologiques
:
La protéinurie augmente de façon physiologique le jour
par rapport à la nuit, et surtout à l’effort.
Elle augmente
pendant la grossesse jusqu’à 300 mg/24 h.
Elle peut
aussi augmenter transitoirement au cours de différents
stress (fièvre, froid…).
C - Protéinurie orthostatique
:
Il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent présentant
une protéinurie n’apparaissant qu’en orthostatisme et
disparaissant en clinostatisme.
Sa confirmation nécessite
un protocole strict de prélèvement d’urine.
Le sujet urine
2 h après s’être couché le soir.
Puis, il urine dans un
1er flacon intitulé « couché », le lendemain matin au réveil.
Enfin, il urine en fin de matinée, après une activité normale
mais sans effort physique intense, dans un 2e flacon intitulé
« debout ».
La protéinurie est physiologique, inférieure
à 100 mg/L sur le prélèvement couché et augmente, mais
de façon généralement modérée, dans le prélèvement
debout, restant habituellement inférieure à 2 g/L.
Le
pronostic de la protéinurie orthostatique de l’enfant est
excellent et disparaît le plus souvent avant la puberté.
Si
l’anomalie persiste après l’âge de 25 ans, une surveillance
néphrologique s’impose, car certains sujets développent
alors une néphropathie avec protéinurie permanente.
Protéinurie glomérulaire
:
A - Définition
:
Il s’agit d’une protéinurie contenant principalement de
l’albumine et parfois des protéines de plus haut poids
moléculaire que l’albumine, telles que la transferrine et
les immunoglobulines G.
La protéinurie glomérulaire est dite sélective si elle
contient plus de 80 % d’albumine (ou plus précisément
si le rapport clairance des immunoglobulines G [poids
moléculaire de 150 kD] sur clairance de la transferrine
[90 kD] est inférieur à 0,1).
Elle est non sélective si la
proportion d’albumine est plus faible (ou si le rapport
clairance des immunoglobulines G/clairance de la
transferrine est supérieur à 0,3).
B - Micro-albuminurie
:
Pour dépister une faible augmentation de l’excrétion
urinaire d’albumine qui signe un début d’atteinte glomérulaire,
des dosages spécifiques et précis de l’albumine
urinaire ont été développés.
La micro-albuminurie est
définie par un dosage d’albumine urinaire entre 30 et
300 mg/24 h (ou un rapport albuminurie sur créatininurie
entre 2,5 et 25 mg/mmol sur un échantillon d’urine).
La recherche d’une micro-albuminurie est un élément
essentiel de la surveillance du malade diabétique de type 1,
car son apparition signe le début d’une glomérulopathie
diabétique, avec un risque de progression vers une
macro-protéinurie (supérieure à 300 mg/24 h), puis une
insuffisance rénale.
La signification d’une microalbuminurie
chez un sujet diabétique de type 2 ou un
sujet hypertendu non diabétique est plus incertaine.
L’atteinte glomérulaire dont elle témoigne serait surtout
le reflet de lésions vasculaires.
C - Protéinurie glomérulaire isolée
ou associée à une hématurie
et (ou) à une insuffisance rénale chronique :
La découverte d’une protéinurie glomérulaire doit faire
rechercher d’autres stigmates de glomérulopathie
(hématurie microscopique avec hématies altérées en
microscopie en contraste de phase, cylindre hématique,
épisodes d’hématurie macroscopique totale et sans
caillots, syndrome néphrotique, syndrome néphritique)
et d’éventuels signes cliniques extrarénaux.
Une protéinurie de type glomérulaire peut être observée
dans plusieurs cas.
• En cas de lésion directe des glomérules dans une glomérulopathie, il s’agit soit d’une glomérulopathie
primitive (surtout maladie de Berger, parfois hyalinose
segmentaire et focale, ou glomérulonéphrite extramembraneuse,
rarement glomérulonéphrite membranoproliférative)
soit d’une glomérulopathie secondaire à
une maladie générale (surtout diabète).
• En cas de lésion indirecte des glomérules, secondaire
généralement à une néphropathie vasculaire chronique,
il s’agit surtout de la néphro-angiosclérose dite
« bénigne » correspondant à une athérosclérose des
artères intrarénales de petits et moyens calibres, secondaire
généralement à une hypertension artérielle ancienne
et mal équilibrée chez un sujet âgé.
Il s’agit parfois d’une sténose de l’artère rénale principale,
athéromateuse chez un sujet polyvasculaire ou fibrodysplasique
chez une femme jeune.
Cette sténose est
responsable d’une hypertension artérielle secondaire.
Il
peut exister une insuffisance rénale associée en cas de
sténose artérielle bilatérale.
• Dans certaines circonstances particulières, sans
lésions histologiques glomérulaires, la protéinurie
apparaît en cas de stimulation importante du système rénine-angiotensine-aldostérone (comme au cours de
l’insuffisance cardiaque globale et de certains stress) ou
en cas de syndrome de levé d’obstacle.
D - Syndrome néphrotique
:
1- Définition
:
Le syndrome néphrotique est défini par une protéinurie
supérieure à 3 g/24 h avec une hypo-albuminémie inférieure
à 30 g/L.
Il est dit pur s’il n’existe ni hypertension
artérielle, ni hématurie, ni insuffisance rénale associée.
S’il existe au contraire un seul de ces signes, le syndrome néphrotique est dit impur.
2- Diagnostic positif :
• Il est évoqué sur la clinique devant des oedèmes
blancs, mous, indolores, prenant le godet (donc strictement
différents des oedèmes inflammatoires, rouges,
durs, douloureux et peu dépressibles).
Les oedèmes se redistribuent dans les régions
déclives.
Ils sont particulièrement
bien retrouvés par une légère pression prolongée
de la partie inférieure de la crête tibiale antérieure ou de
la région rétro-malléolaire chez un sujet debout, ou du
sacrum et des épineuses chez un sujet couché.
• Il est confirmé par un dosage de protéinurie supérieur
à 3 g/24 h et d’albuminémie inférieur à 30 g/L.
L’électrophorèse des protéines sanguines retrouve une
élévation des a2-globulines, une baisse des g-globulines
(sauf dans le lupus et le sida).
L’électrophorèse des
protéines urinaires recherche si la protéinurie est sélective
ou non.
En l’absence de maladie générale, la maladie est dite
primitive.
La ponction biopsie rénale permet de distinguer
des maladies de présentation clinique et de pronostic
variables.
Toutefois, selon le type histologique, certaines
causes spécifiques sont recherchées.
• Le syndrome néphrotique à lésion glomérulaire
minime (néphrose lipoïdique) survient généralement chez l’enfant ou l’adulte jeune.
Ce syndrome néphrotique
est généralement pur (surtout chez l’enfant), avec une
protéinurie souvent sélective.
Pleurésie et ascite sont
fréquentes chez l’enfant.
Le dosage du complément est
normal.
La ponction biopsie rénale n’est réalisée que
chez l’adulte ou chez l’enfant dont le syndrome néphrotique
résiste au traitement corticoïde.
L’examen en
microscopie optique et en immunofluorescence est
sensiblement normal (en dehors de vacuoles lipidiques
dans les cellules des tubes contournés proximaux).
Il
existe simplement une fusion des pieds des podocytes en
microscopie électronique.
L’évolution est habituellement
favorable sous corticoïde, surtout chez l’enfant.
L’enquête étiologique doit comporter chez l’adulte la
recherche d’une hémopathie (maladie de Hodgkin).
• La hyalinose segmentaire et focale survient généralement
chez un adulte jeune.
Le syndrome néphrotique
est souvent impur (avec hématurie microscopique,
hypertension artérielle, voire insuffisance rénale), et la
protéinurie est souvent non sélective.
Le dosage du complément
est normal.
La ponction biopsie rénale montre
en microscopie optique, des dépôts hyalins, une sclérose
segmentaire (ne touchant qu’une partie du glomérule),
et focale (ne touchant que certains glomérules).
Le pronostic
est marqué par un risque de corticodépendance
voire de corticorésistance, avec possibilité d’évolution
vers l’insuffisance rénale terminale.
Cette maladie, primitive le plus souvent, peut être
secondaire à un sida, un reflux vésico-urétéral ou une
réduction néphronique, surtout chez le sujet de race noire.
• La glomérulonéphrite extramembraneuse survient
souvent chez un sujet plus âgé.
Il s’agit d’un syndrome néphrotique avec protéinurie souvent non sélective, parfois
associé à une hématurie microscopique, avec au début
une pression artérielle et une fonction rénale souvent
normales.
Le dosage du complément est normal.
La
ponction biopsie rénale montre en microscopie optique
des parois de capillaires épaissies sans prolifération
cellulaire.
Les colorations à l’argent (Jones) permettant
de souligner la membrane basale glomérulaire montrent
des dépôts extra-membraneux, c’est-à-dire sous-épithéliaux
(entre le versant externe de la membrane basale et
les cellules épithéliales).
L’examen en immunofluorescence
montre des dépôts finement granulaires d’immunoglobulines
G et des fractions C3 du complément extramembraneux.
Dans un 2e temps, une insuffisance rénale
chronique peut s’aggraver lentement.
Cette glomérulopathie est souvent primitive, mais le
diagnostic étiologique doit comporter la recherche de
prises de médicaments (sels d’or, D-pénicillamine,
captopril, Préviscan ou anti-inflammatoires non
stéroïdiens), d’un cancer, d’une infection (hépatite B,
syphilis, paludisme…), d’une maladie de système
(lupus, thyroïdite auto-immune…) ou d’un diabète.
• La glomérulonéphrite membrano-proliférative survient
chez l’adulte jeune.
Il s’agit d’un syndrome néphrotique
impur ou même parfois d’un syndrome néphritique
aigu.
Il existe parfois une baisse des fractions C3 et C4
du complément et un C3 nephritic factor (anticorps anti-C3 convertase).
La ponction biopsie rénale montre, dans le
type I, des dépôts sous-endothéliaux et mésangiaux,
avec une image en double contour de la membrane basale,
et, dans le type II, des dépôts à l’intérieur des membranes
basales glomérulaires.
Le diagnostic étiologique doit comporter dans le type I
une recherche de cryoglobuline de type II, elle-même
secondaire à une hépatite virale C.
• La néphropathie à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines
A ou maladie de Berger est la plus fréquente
des glomérulopathies primitives en Europe.
Il s’agit
surtout d’adultes jeunes, ayant une hématurie microscopique
isolée ou associée à une protéinurie d’évolution
bénigne.
Il peut survenir des poussées récidivantes
d’hématurie macroscopique (totale et sans caillots), 24 à
48 h après le début d’une infection ORL.
Plus rarement,
il apparaît un syndrome néphrotique, voire un syndrome
néphritique aigu.
Le dosage du complément est normal.
Dans 50 % des cas, il existe une augmentation du taux
sérique des immunoglobulines A totales.
La ponction
biopsie rénale montre en microscopie optique une hyperplasie mésangiale segmentaire (ne touchant qu’une partie
du glomérule) et focale (ne touchant que certains glomérules).
L’examen en immunofluorescence révèle des
dépôts typiques d’immunoglobulines A mésangiaux
dans tous les glomérules.
L’évolution vers l’insuffisance
rénale chronique est possible.
Les facteurs de mauvais
pronostic sont : le sexe masculin, l’absence d’épisode
aigu d’hématurie macroscopique, un syndrome néphrotique,
une hypertension artérielle et une élévation de la
créatininémie.
Ces néphropathies sont le plus souvent primitives mais
peuvent être secondaire à un purpura rhumatoïde, une
cirrhose hépatique, une colite inflammatoire ou une
spondylarthrite ankylosante.
Devant la découverte de l’un des 5 types histologiques
principaux de glomérulopathie primitive, il faut rechercher
certaines causes spécifiques avant d’affirmer le caractère
« primitif » de l’affection.
D’autres maladies
sont par contre associées à des anomalies glomérulaires
spécifiques.
• Le diabète de type 1 peut se compliquer d’une glomérulopathie.
La totalité des patients présente des
modifications morphologiques des glomérules, avec
augmentation de taille, et du débit de filtration glomérulaire
(hyperfiltration).
Certains patients développent
une micro-albuminurie (30 à 300 mg/24 h). Parmi ceux-ci,
des sujets évoluent vers la macro-protéinurie en une
dizaine d’années (> 300 mg/j) et une fraction de ces
derniers développe une insuffisance rénale chronique
(malgré un renforcement de l’équilibre glycémique et la
prescription d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion).
Des facteurs familiaux, un déséquilibre du diabète ou
une hypertension artérielle mal contrôlée expliquent que
certains sujets développent plus facilement que d’autres
une néphropathie diabétique.
Il s’agit d’une microangiopathie qui évolue de façon parallèle au fond d’oeil
avec apparition d’anévrisme, bien visible sur les angiographies
rétiniennes en fluorescence.
La ponction biopsie
rénale montre une glomérulosclérose nodulaire (de
Kimmelstiel et Wilson), sans dépôt d’immunoglobuline
(ce qui la distingue de la néphropathie du myélome, qui
donne un aspect proche en microscopie optique).
Dans le diabète de type 2, il peut aussi s’agir d’une micro-angiopathie diabétique après plus de 10 ans d’évolution.
Il faut toutefois éliminer une néphro-angiosclérose
ou une hypertension artérielle réno-vasculaire surajoutée.
• Des maladies auto-immunes se présentent parfois sur
un mode moins dramatique avec une simple protéinurie
ou un syndrome néphrotique. Il s’agit de lupus, de
vascularites systémiques avec auto-anticorps contre le
cytoplasme des polynucléaires neutrophiles et des
monocytes (ACPN) ou de purpura rhumatoïde.
• Une amylose peut compliquer l’évolution d’un
myélome (amylose AL), ou une maladie inflammatoire
chronique (amylose AA, dans la polyarthrite rhumatoïde,
la tuberculose pulmonaire, la dilatation des bronches…).
• Une glomérulonéphrite post-infectieuse se révèle
rarement par un syndrome néphrotique : surinfection de
shunt atrio-ventriculaire, hépatite B, paludisme, syphilis.
5- Diagnostic des complications
du syndrome néphrotique :
• Les accidents thromboemboliques sont d’autant plus
fréquents que l’hypoalbuminémie est plus profonde.
Il
s’agit surtout de phlébites profondes avec risque d’embolie
pulmonaire.
Il peut survenir aussi une thrombose
de la veine rénale avec douleur lombaire inconstante et
majoration de l’insuffisance rénale et de la protéinurie.
• Les infections à bactérie encapsulée (pneumocoque,
méningocoque, Hæmophilus influenzæ) sont plus fréquentes
du fait de la fuite urinaire de complément et d’immunoglobulines,
altérant les capacités d’opsonisation.
• L’hypercholestérolémie doit être prise en compte si le
syndrome néphrotique persiste plusieurs mois ou
années.
• Une dénutrition peut apparaître secondairement
en cas d’hypo-albuminémie profonde réfractaire au
traitement.
E - Protéinurie avec insuffisance rénale
aiguë : syndrome néphritique aigu
1- Définition
:
Le syndrome néphritique aigu correspond à une lésion
aiguë et évolutive des glomérules, responsable d’une
protéinurie et d’une hématurie d’origine glomérulaire,
d’une insuffisance rénale aiguë et d’une surcharge
hydrosodée avec oedèmes périphériques et hypertension
artérielle.
Ce syndrome s’installe soit de façon aiguë en
quelques jours (glomérulonéphrite aiguë), soit de façon
rapidement progressive en quelques semaines (glomérulonéphrite
rapidement progressive).
Une insuffisance rénale avec protéinurie peut être observée
aussi sans réelle glomérulonéphrite dans des néphropathies
vasculaires aiguës avec glomérules ischémiques (microangiopathie
thrombotique du syndrome hémolytique et
urémique ou de l’hypertension artérielle maligne, embolie
de cholestérol, périartérite noueuse).
2- Glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse
:
Dans la forme typique post-streptococcique de l’enfant,
le syndrome néphritique apparaît 2 semaines après une
angine non traitée par antibiotique.
La protéinurie est
modérée, habituellement inférieure à 2 g/24 h.
L’hématurie
est souvent macroscopique.
Il existe des anticorps
neutralisant la streptolysine O (ASLO), un abaissement
des fractions C3 et C4 du complément, mais la recherche
du streptocoque (le plus souvent A b-hémolytique)
est négative à ce stade.
L’évolution est rapidement
favorable avec reprise de la diurèse en quelques jours,
suivie de la régression des oedèmes, de l’hypertension
artérielle et de l’insuffisance rénale en une à 2 semaines.
Le C4 se normalise en 2 à 4 semaines et le C3 en 2 mois.
La protéinurie régresse en quelques mois, mais l’hématurie
peut persister au-delà de 1 an.
La ponction biopsie
rénale, qui n’est pas réalisée dans cette forme typique,
montrerait en microscopie optique une prolifération
diffuse endocapillaire avec infiltrat de polynucléaires
neutrophiles et parfois dépôts pyramidaux sur le versant
externe de la membrane basale (humps) et, en immunofluorescence,
des dépôts granuleux en ciel étoilé
d’immunoglobulines G et de C3.
Cette forme typique est actuellement rare.
Il s’agit plus
souvent d’un sujet âgé, parfois obèse ou alcoolique, qui
souffre 3 à 6 semaines après une dermite infectieuse
négligée d’une insuffisance rénale peu ou pas résolutive.
Les anticorps anti-streptocoques sont des anti-streptodornases
ou antistreptokinases. D’autres agents infectieux
peuvent être responsables, parfois sans consommation
du complément : bactéries (staphylocoque), virus, parasites
et champignons.
3- Glomérulonéphrite rapidement progressive
:
Le diagnostic est orienté par la reconstitution de l’histoire
clinique, la recherche de signes cliniques extrarénaux et
le bilan biologique initial comportant selon le contexte :
une électrophorèse des protides sanguins et urinaires, un
dosage pondéral des immunoglobulines G, A et M, un
dosage des fractions C3 et C4 du complément, une
recherche des auto-anticorps contre le cytoplasme des
polynucléaires neutrophiles, d’anticorps anti-nucléaire,
anti-membrane basale glomérulaire, de cryoglobuline,
de facteur rhumatoïde…
Le diagnostic est le plus souvent confirmé par une ponction
biopsie rénale.
L’examen en microscopie optique est peu
discriminant et montre généralement une glomérulonéphrite
proliférative segmentaire et focale ou diffuse, endo- et extracapillaire (croissants).
L’examen en immunofluorescence
permet de distinguer :
– les dépôts linéaires d’anticorps anti-membrane basale
glomérulaire dans la maladie de Goodpasture (rare) ;
– les dépôts granuleux d’immunoglobulines et de complément
(lupus érythémateux aigu disséminé, purpura
rhumatoïde, cryoglobulinémie mixte souvent posthépatite
C, glomérulonéphrite post-infectieuse d’évolution
subaiguë) ;
– les glomérulonéphrites sans dépôts significatifs au
cours des vascularites systémiques avec auto-anticorps
contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
(maladie de Wegener, polyangéite microscopique).
Parfois, il s’agit de glomérulonéphrites primitives se
révélant sur un mode aigu (maladie de Berger et glomérulonéphrite membrano-proliférative).
• La maladie de Goodpasture associe une atteinte pulmonaire
avec au maximum détresse respiratoire et hémoptysie
et une insuffisance rénale rapidement progressive.
L’atteinte rénale est parfois isolée et l’atteinte pulmonaire
est plus grave chez les fumeurs.
La maladie est secondaire
à des anticorps anti-membrane basale glomérulaire, qui
se fixent sur les membranes basales des capillaires
glomérulaires et pulmonaires.
Le diagnostic repose sur
la mise en évidence des anticorps anti-membrane basale
glomérulaire et d’un dépôt linéaire d’immunoglobulines
G sur la ponction biopsie rénale.
• Le lupus érythémateux aigu disséminé survient
essentiellement chez la femme jeune.
La maladie est
reconnue en présence de 4 des critères de l’association
de rhumatologie américaine :
– éruption malaire en aile de papillon ;
– éruption de lupus discoïde ;
– photosensibilité ;
– ulcérations buccales ou naso-pharyngées ;
– polyarthrite non destructrice mais parfois déformante ;
– pleurésie ou péricardite ;
– protéinurie > 0,5 g/24 h ;
– convulsion ou psychose ;
– anémie hémolytique ou leucopénie ou lymphopénie
ou thrombopénie ;
– anticorps anti-ADN natif ou anti-Sm ;
– anticorps anti-nucléaires en immunofluorescence.
En présence d’une protéinurie ou d’un syndrome néphritique, le diagnostic est conforté par une consommation
du complément (baisse du C3 et du C4), et
l’examen en immunofluorescence de la ponction biopsie
rénale qui montre des dépôts d’immunoglobulines G,
A et M, des facteurs C3, C4 et C1q.
• Le purpura rhumatoïde associe des douleurs articulaires,
un purpura vasculaire (palpable, évoluant vers la
nécrose) et une glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux
d’immunoglobulines A.
Le diagnostic repose sur la mise
en évidence des dépôts d’immunoglobulines A sur une
biopsie de peau au niveau vasculaire ou sur une biopsie
rénale dans le mésangium.
• Une cryoglobuline mixte de type II (immunoglobulines
M k-monoclonale et G polyclonale), souvent
secondaire à une hépatite C, peut être responsable d’une
glomérulonéphrite membrano-proliférative de type I,
avec protéinurie et parfois syndrome néphritique aigu.
Le diagnostic est facile devant l’association d’une
immunoglobuline M k-monoclonale, d’une cryoglobulinémie
et d’une sérologie hépatite C positive.
• Une glomérulonéphrite post-infectieuse peut évoluer
sur un mode subaigu.
Le raisonnement est le même que
devant une glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse
classique.
• Les vascularites systémiques avec auto-anticorps
contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
sont principalement la granulomatose de Wegener et la
polyangéite microscopique.
La granulomatose de Wegener est classiquement une
triade associant un granulome nécrosant des voies
respiratoires, une vascularite nécrosante des artérioles et
veinules et une glomérulonéphrite avec prolifération
extracapillaire.
Elle se présente souvent par une altération
de l’état général fébrile, avec myalgies et arthralgies.
Les principales localisations viscérales sont : ORL (rhinite
croûteuse, épistaxis, voire destruction des cartilages
du nez, sinusite, otite, laryngite ou sténose sous-glottique),
pulmonaire (toux, dyspnée, infiltrat pulmonaire excavé,
pleurésie), cutanée (purpura vasculaire palpable et
nécrotique), oculaire (conjonctivite, uvéite, rétinite,
pseudo-tumeur rétro-orbitaire), neurologique (mononévrite)
et digestive (ulcère buccal, saignement digestif).
La polyangéite microscopique se distingue par l’absence
de granulome et de formes pseudo-tumorales ORL ou
rétro-orbitaires.
L’atteinte peut être strictement localisée
au rein.
Le diagnostic est confirmé par la présence d’auto-anticorps
contre le cytoplasme des polynucléaires neutrophiles
généralement de type anti-protéinase 3 (anti-PR3 de
type cytoplasmique en immunofluorescence indirecte
sur neutrophiles perméabilisés à l’alcool) dans la granulomatose
de Wegener et de type anti-myéloperoxydase
(anti-MPO de type périnucléaire en immunofluorescence)
dans la polyangéite microscopique.
La ponction biopsie
rénale montre une glomérulonéphrite extracapillaire
sans dépôts significatifs d’immunoglobuline et de complément.
4- Néphropathies vasculaires aiguës
avec glomérules ischémiques :
• Une micro-angiopathie thrombotique est principalement
secondaire à un syndrome hémolytique et
urémique ou à une hypertension artérielle maligne.
Le syndrome hémolytique et urémique associe un
syndrome néphritique aigu, une anémie hémolytique
avec schizocytes (hématies fragmentées), une baisse de
l’haptoglobine et une thrombopénie.
Chez l’enfant, il est
secondaire à une diarrhée infectieuse avec un germe
sécrétant une toxine particulière et de bon pronostic
rénal. Chez l’adulte, il est souvent idiopathique ou associé
à une maladie générale et souvent de plus mauvais
pronostic rénal.
L’hypertension artérielle maligne associe une pression
artérielle très élevée à un retentissement grave sur les
organes cibles : fond d’oeil stade IV et risque de cécité,
oedème aigu du poumon, encéphalopathie hypertensive
et insuffisance rénale aiguë avec protéinurie.
• Les embolies de cholestérol sont des accidents fréquents
et graves après un cathétérisme artériel chez un sujet athéromateux, surtout s’il a un traitement anticoagulant.
Les signes extrarénaux sont les témoins des territoires
touchés par ces embolies : aspect violacé voire nécroses
des extrémités des orteils, douleurs abdominales,
insuffisance rénale avec protéinurie.
Le diagnostic est
confirmé par une biopsie montrant des cristaux de cholestérol
dans les artérioles et des glomérules ischémiques.
• La périartérite noueuse est une vascularite exceptionnelle,
généralement secondaire à une hépatite B.
Il peut
exister des anévrismes artériels intrarénaux rendant la
ponction biopsie rénale dangereuse.
Le diagnostic est
suspecté en cas d’absence d’auto-anticorps contre le
cytoplasme des polynucléaires neutrophiles et des
monocytes et parfois confirmé par une ponction biopsie
rénale réalisée dans un territoire sans anévrisme, après
contrôle artériographique, qui montre une vascularite des
vaisseaux de moyen calibre avec ischémie glomérulaire.
Protéinurie tubulaire :
A - Définition
:
Il s’agit d’une protéinurie contenant principalement des
protéines de plus petit poids moléculaire que l’albumine
(a- et b-globulines).
B - Diagnostic étiologique
:
La découverte d’une protéinurie de type tubulaire doit
faire rechercher des stigmates d’atteinte tubulointerstitielle
(leucocyturie aseptique, acidose hyperchlorémique
précoce).
Elle est secondaire à une néphropathie interstitielle
aiguë ou chronique.
1- Néphropathie interstitielle aiguë
:
Il s’agit de pathologie produisant un infiltrat aigu de cellules
inflammatoires dans l’interstitium rénal qui est un
espace normalement virtuel entre les tubes rénaux.
Cet
infiltrat est soit infectieux (pyélonéphrite aiguë ou septicémie
avec contamination du parenchyme par voie
hématogène), soit allergique à un médicament (pénicillines
surtout M ou A, sulfamides, anti-inflammatoires
non stéroïdiens, Préviscan), soit plus rarement secondaire
à un lymphome ou une hyperuricémie aiguë après une
chimiothérapie de cancer.
Le diagnostic est suspecté devant une insuffisance rénale
aiguë avec oligo-anurie sans anurie, avec protéinurie
tubulaire.
Une leucocyturie est associée surtout en cas
d’infection.
En cas de réaction immuno-allergique,
parfois il existe une hématurie et une éosinophilurie.
Le
diagnostic est confirmé en cas de contexte étiologique
douteux (prise de médicament allergisant pour une pyélonéphrite
aiguë) par une ponction biopsie rénale.
2- Néphropathie interstitielle chronique
:
Il s’agit soit de pathologies chroniques altérant progressivement
et électivement l’interstitium rénal, soit d’une pathologie rénale quelconque arrivée à un stade évolué.
Dans le premier cas, la protéinurie est purement de type
tubulaire, dans le second, la protéinurie est mixte glomérulaire
et tubulaire.
• Une néphropathie interstitielle chronique est classiquement
évoquée devant l’association d’une protéinurie
tubulaire, d’une leucocyturie aseptique, sans hypertension
artérielle mais plutôt une tendance à la fuite sodée et une
acidose hyperchlorémique précoce.
Elle s’oppose donc
point par point à la néphropathie glomérulaire qui associe
une protéinurie glomérulaire, une hématurie, une hypertension
artérielle et une tendance à la rétention hydrosodée
avec oedèmes.
Les principales causes sont les pyélonéphrites répétées
(plus ou moins favorisées par une malformation
urologique ou des lithiases) et l’abus chronique
d’analgésiques (associations multiples d’analgésiques
et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Plus rarement,
il s’agit d’anomalies métaboliques chroniques (hypokaliémie,
hypercalcémie, goutte, oxalose, cystinose),
d’une sarcoïdose (avec granulomes dans l’interstitium
rénal sécrétant de la vitamine D responsable de néphrocalcinose,
souvent associés à une atteinte pulmonaire et
une polyadénopathie), d’intoxication (plomb) ou de
cause en apparence primitive.
• Toute néphropathie terminale se présente avec une
protéinurie mixte glomérulaire et tubulaire.
À ce stade
de « néphrite chronique mixte », le diagnostic étiologique
de la maladie initiale est impossible et l’évolution se fait
inéluctablement vers l’insuffisance rénale terminale
nécessitant la dialyse.
C’est dire l’importance du dépistage
précoce des néphropathies.
Protéinurie constituée
de protéines anormalement
présentes dans le plasma
:
A - Chaîne légère d’immunoglobuline
:
Au cours des gammapathies monoclonales bénignes
ou plus souvent malignes (myélome, maladies de
Waldenström), les chaînes légères de l’immunoglobuline
pathologique sont filtrées en grande quantité par les
glomérules, dépassant les capacités de réabsorption des
tubes rénaux.
Ces chaînes légères sont mal détectées par
les bandelettes réactives, mais sont révélées par une immuno-électrophorèse des protides urinaires ou plus
simplement par leur caractère thermosoluble (protéinurie
de Bence Jones).
Ces chaînes légères sont toxiques pour
le rein et peuvent entraîner différentes néphropathies.
• L’amylose AL est un dépôt de chaînes légères
(souvent l), polymérisées en feuillets b plissés, dans les
glomérules et les vaisseaux.
Elle entraîne souvent
un syndrome néphrotique et une insuffisance rénale
chronique progressive.
La ponction biopsie rénale
montre les dépôts amyloïdes fixant des colorants
spécifiques (rouge Congo).
• La maladie de Randall est un dépôt de chaînes légères
(souvent k), non organisé (sans polymérisation), le long
des membranes basales glomérulaires et tubulaires.
Elle
est responsable d’une protéinurie glomérulaire
souvent importante, parfois néphrotique, et d’une
insuffisance rénale chronique.
La ponction biopsie rénale
avec examen en immunofluorescence montre les dépôts
de chaîne légère k.
• La tubulopathie myélomateuse est une précipitation
aiguë de chaînes légères dans les lumières tubulaires
(favorisée par un milieu acide, concentré, ou la présence
d’iode), responsable d’une insuffisance rénale aiguë.
La
ponction biopsie rénale montre une néphropathie tubulointerstitielle
aiguë, avec des cylindres intratubulaires
caractéristiques.
B - Myoglobinurie
:
Il s’agit d’une lyse des muscles striés libérant de la
myoglobine, filtrée par les glomérules et toxique pour
les tubules, provoquant une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire aiguë.
Cette pathologie est soit secondaire
à un traumatisme (écrasement musculaire des accidents
de la route ou compression d’un membre à l’occasion
d’un coma), soit secondaire à une infection virale,
en particulier chez les alcooliques, ou à un effort intense
en pleine chaleur.
C - Hémoglobinurie
:
Elle est secondaire à une hémolyse intravasculaire, avec
baisse de l’haptoglobine et insuffisance rénale par
nécrose tubulaire aiguë.
Elle est provoquée par certaines
intoxications industrielles ou par venin, par un accès
palustre, une consommation de fèves chez un sujet
méditerranéen porteur d’un déficit en G6PD et, rarement
maintenant, un accident transfusionnel.