Corps étrangers des voies aériennes
Cours d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
L’inhalation accidentelle d’un
corps étranger résulte de la mise en défaut du réflexe
protecteur des voies aériennes. La majorité des corps étrangers
sont observés chez l’enfant entre 1 et 3 ans car celui-ci
explore l’environnement en portant plus facilement les objets à
sa bouche, il devient plus indépendant et l’alimentation devient
plus solide. L’inhalation est généralement provoquée par une
inspiration brusque et profonde ou lors du rire ou des sanglots.
La localisation bronchique des corps étrangers est la plus
fréquente (environ 90%). Le cheminement dans les voies aériennes
d’un corps étranger est toujours marqué par un syndrome clinique
de forte valeur diagnostique : le syndrome de pénétration.
Plusieurs situations cliniques résultent du niveau de blocage du
corps étranger et de son éventuelle mobilité dans l’axe aérien.
Le corps étranger laryngo-trachéo-bronchique avec son risque
potentiel d’asphyxie aiguë est une urgence vitale.
Diagnostic du corps étranger bronchique :
Nous prendrons comme type de description le corps étranger
bronchique.
C'est au niveau des bronches que l'on rencontre le plus souvent
le corps étranger des voies aériennes avec une fréquence plus
grande à droite, du fait de l'orientation et du calibre de la
bronche souche droite, mais il peut être situé à gauche.
Le corps étranger peut s'enclaver dans une bronche (cas le plus
fréquent) ou être mobile, donnant alors une symptomatologie à
bascule avec des périodes d'accalmies.
SYNDROME DE PÉNÉTRATION : DIAGNOSTIC FACILE :
Les circonstances peuvent être évocatrices : enfant solitaire ou
en situation de jeu, à proximité d'objets suspects, ou encore le
milieu familial, au cours de l'apéritif (fréquence de la
cacahuète).
* Le diagnostic est facile devant un syndrome de pénétration
(élément primordial du diagnostic) : c'est la survenue chez un
enfant en pleine santé :
- d'un accès de suffocation brutal, bref.
- avec toux violente expulsive, dyspnée, cyanose, cornage,
tirage.
* Ce syndrome impose la pratique en urgence d'une endoscopie
bronchique, même si la symptomatologie régresse.
CIRCONSTANCES DE DIAGNOSTIC DIFFICILE :
Le diagnostic est plus difficile si le syndrome de pénétration
est passé inaperçu :
- l'enfant était seul ou la symptomatologie était discrète
(importance de l'interrogatoire minutieux).
- le corps étranger se bloque, le plus souvent, dans une bronche
souche et la tolérance est alors bonne. Ce laps de temps peut
durer quelques heures, mais aussi plusieurs mois.
* Les signes cliniques sont le plus souvent discrets. Il s'agit
:
- de toux rebelle et récente chez un enfant jusque-là en pleine
santé.
- de polypnée sifflante.
- d'un état général variable (fièvre, amaigrissement).
* L'examen complet recherchera :
- une asymétrie de ventilation d'un poumon.
- une hypersonorité en rapport avec un emphysème obstructif ou
une matité.
- un emphysème sous-cutané.
- un "wheezing" (sifflement expiratoire).
- une diminution unilatérale du murmure vésiculaire.
- des râles sibilants inspiratoires.
EXAMEN RADIOLOGIQUE :
Il est effectué si une endoscopie ne s'impose pas en extrême
urgence.
On fait des clichés pulmonaires en inspiration et en expiration,
de face et de profil.
Rarement, le corps étranger est radio-opaque :
Le diagnostic est alors évident, mais il faut éliminer un corps
étranger œsophagien, d'où l'intérêt de la radiographie
pulmonaire de profil qui montre, dans ce cas, la projection du
corps étranger œsophagien en avant des corps vertébraux.
Le plus souvent, le corps étranger est radiotransparent :
* Si le corps étranger est non obstructif, l'examen radiologique
peut être normal, d'où l'importance de l'interrogatoire.
* Si le corps étranger est obstructif, des signes indirects dus
au retentissement de la ventilation peuvent être constatés :
- une atélectasie : opacité dense rétractile d'un segment, d'un
lobe, ou de tout un poumon, entraînant le pincement des espaces
intercostaux et l'attraction d'une des coupoles.
- un emphysème : bien objectivé sur les clichés en expiration,
il correspond à une hyperclarté refoulant les zones saines.
- un refoulement médiastinal : l'association de zones
d'atélectasie et de zones d'emphysème obstructif suggère
fortement la présence d'un corps étranger des voies aériennes
respiratoires ; il faut aussi savoir qu'un corps étranger mobile
peut entraîner des troubles de la ventilation d'un côté puis de
l'autre.
Au stade tardif :
* Parfois, à un stade plus tardif en cas de complications quand
le syndrome de pénétration a été méconnu, l'examen radiologique
peut montrer des images :
- d'abcès de poumon.
- de pneumopathies récidivantes (malgré un traitement adéquat).
* De toute façon, que l'examen radiologique soit normal ou non,
le moindre doute impose la pratique d'une endoscopie bronchique
en urgence : c'est le moyen diagnostique et thérapeutique.
EXAMEN ENDOSCOPIQUE :
C'est l'examen fondamental affirmant le diagnostic à réaliser
aussi rapidement que possible.
ÉVOLUTION :
Correctement traité :
La guérison est complète, les complications postopératoires sont
exceptionnelles (complications broncho-pulmonaires,
complications médiastinales...).
Si le diagnostic a été méconnu
Après une amélioration passagère due à un traitement
antibiotique et anti-inflammatoire, l'évolution va se faire vers
un tableau de pathologie infectieuse broncho-pulmonaire
traînante, récidivante.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Le diagnostic différentiel intéresse toute la pathologie
broncho-pulmonaire, d'où l'intérêt de la recherche à
l'interrogatoire du syndrome de pénétration.
Formes cliniques :
SELON LA NATURE DU CORPS ÉTRANGER :
Divers objets peuvent être en cause :
- corps étrangers en plastique (jouets, capuchons de stylos).
- corps étrangers végétaux : cacahuète le plus souvent ou autres
graines avec le risque d'hydratation, de gonflement et de
fragmentation de ce corps, ce qui complique les possibilités
d'extraction.
- corps étrangers métalliques, mais aussi : os, arêtes, perles,
noyaux.
SELON LE SIÈGE :
Corps étranger laryngé :
* Sa particularité est d'être un corps étranger "bloqué" :
- soit dans l'étage sus-glottique, pénétrant parfois dans le
ventricule laryngé.
- soit dans la région sous-glottique, chassé par la toux, après
un bref séjour trachéal.
On comprend que le syndrome de pénétration soit souvent
dramatique compte tenu de cette situation topographique.
* Rarement volumineux :
- risquant d'entraîner l'obstruction du rétrécissement
glottique.
- responsable d'une asphyxie aiguë mortelle.
* Le plus souvent petit :
- il permet un passage minimal d'air à travers le larynx.
- et est responsable d'une dyspnée avec tirage, cornage, toux
rauque et voix éteinte.
* Le corps étranger laryngé peut, si le syndrome de pénétration
est passé inaperçu, simuler une laryngite mais l'accès survient
dans la journée et sans fièvre.
Toute laryngite traînante, malgré un traitement adapté, doit
faire évoquer le diagnostic et impose la pratique de
radiographie puis une laryngoscopie, moyen diagnostique et
thérapeutique.
Corps étranger trachéal :
La localisation trachéale est plus fréquente que la localisation
laryngée.
Le corps étranger est le plus souvent mobile, ce qui explique la
symptomatologie intermittente.
* Il s'agit de troubles respiratoires :
- toux coqueluchoïde.
- dyspnée.
- accès de spasmes laryngés survenant lors des changements de
position.
* A l'auscultation de la trachée, on peut entendre :
- le classique "bruit du drapeau" qui correspond au déplacement
du corps étranger.
- ou un bruit témoignant du va-et-vient de celui-ci aux deux
temps de la respiration.
* L'enclavement dans la sous-glotte est le grand danger de ces
corps étrangers mobiles car ils peuvent entraîner une mort
subite.
A part, la "peanut bronchitis" :
Due à l'inhalation d'une cacahuète qui se fragmente, elle
correspond à une bronchite capillaire sévère avec syndrome
toxi-infectieux dont l'évolution est parfois mortelle, malgré
l'extraction des corps étrangers, par asphyxie et collapsus
cardio-vasculaire.
Traitement :
C'est une urgence thérapeutique.
* C'est l'extraction endoscopique avec un tube rigide du corps
étranger par un opérateur entraîné avec du matériel adapté et
dans un centre spécialisé car l'expulsion du corps étranger de
façon spontanée est rare.
* Cette endoscopie est effectuée :
- devant tout syndrome de pénétration.
- ou, si celui-ci a été méconnu, devant tout tableau pouvant
faire évoquer la présence d'un corps étranger dans les voies
aériennes supérieures (broncho-pneumopathies récidivantes,
laryngite traînante...).
* L'endoscopie doit être effectuée le plus rapidement possible,
mais sans précipitation en dehors de problèmes respiratoires
majeurs et cela pour amener l'enfant dans de bonnes conditions
cliniques et biologiques.
* Par ailleurs, il faut savoir :
- que toute tentative digitale d'extraction doit être
formellement interdite.
- que la manœuvre d'Hei mlich (hyperpression abdominale pour
provoquer l'expulsion du corps étranger) est dangereuse du fait
du risque d'asphyxie par enclavement sous-glottique.
* D'extrême urgence, dans les grandes asphyxies (corps étranger
volumineux) : une trachéotomie, voire un trocart planté dans la
trachée, est nécessaire du fait de la menace vitale. Cette
éventualité est rare mais peut être salvatrice.
Autres corps étrangers des voies aériennes :
CORPS ÉTRANGER DES FOSSES NASALES :
Les corps étrangers des fosses nasales sont une pathologie
fréquente touchant essentiellement l'enfant.
Ces corps étrangers peuvent néanmoins être observés chez
l'adulte en cas de maladie mentale ou dans le cadre de la
pathologie iatrogène (oubli de coton mis en place pour
anesthésie locale...).
* Les circonstances de découverte sont triples :
- le corps étranger est récent et reconnu sur déclaration de
l'enfant ou d'un témoin : son extraction en sera d'autant plus
aisée.
- le corps étranger est méconnu, à l'origine de divers symptômes
de topographie souvent unilatérale : obstruction nasale,
rhinorrhée purulente fétide, épistaxis, cacosmie, algie.
- le corps étranger de découverte fortuite, souvent
radio-opaque, anorganique décelé sur des films dentaires
(clichés périapicaux, orthopantomogramme).
* Diagnostic :
- toute suppuration nasale fétide unilatérale doit être
considérée, jusqu'à preuve du contraire, comme le témoin d'un
corps étranger chez l'enfant.
- chez l'adulte, on peut rencontrer de véritables rhinolithes :
concrétions calcaires se déposant autour d'un corps étranger
parfois très ancien (noyau de fruit).
- le corps étranger est en principe unique, volontiers localisé
dans la moitié antérieure de la fosse nasale surtout droite.
* L'extraction d'un corps étranger nasal :
- nécessite de toujours tenter d'abord un mouchage ou une
expiration forcée, puis d'utiliser un crochet mousse ou une
curette en ramenant le corps étranger vers le plancher des
fosses nasales et d'arrière en avant.
- il convient d'éviter l'utilisation de pinces ou de lavages de
nez risquant tant de blesser la muqueuse que de précipiter le
corps étranger vers les voies aériennes inférieures.
- un recours à l'anesthésie générale sera parfois nécessaire
chez le sujet "indocile" avec corps étranger bloqué dans la zone
postérieure de la fosse nasale, souvent étroite, et camouflé par
une suppuration abondante.
CORPS ÉTRANGER DE L'OROPHARYNX :
Cette pathologie est également fréquente, observée à tout âge.
Les corps étrangers sont surtout alimentaires (arête, fragment
d'os...).
* La circonstance de découverte passe rarement inaperçue. Sont
ainsi observées :
- essentiellement une odynophagie.
- une otalgie.
- une dysphagie variable.
- ou une hypersalivation.
* Le diagnostic :
- est clinique : le corps étranger et/ou la plaie qu'il entraîne
peuvent être localisés à l'aide du miroir pharyngo-laryngé ou
d'optiques. Ils prédominent sur l'amygdale ou au niveau de la
base de langue.
- la radiographie n'est utile que si le corps étranger est
radio-opaque.
* Traitement : l'extraction du corps étranger est réalisée à
l'aide de pinces appropriées. La reprise de l'alimentation peut
être immédiate, permettant de réaliser un véritable test : la
douleur résiduelle est bien différente de l'état préexistant.
CORPS ÉTRANGER DE L'HYPOPHARYNX :
De fréquence non négligeable, les corps étrangers de
l'hypopharynx touchent surtout le petit enfant et l'adulte âgé.
Leur nature est variée.
Leur symptomatologie passe rarement inaperçue et comprend :
* une sensation de blocage lors de l'accident initial.
* une gêne à la déglutition variable en intensité selon le siège
(elle est atténuée sur la paroi pharyngée postérieure).
* en cas de corps étranger volumineux, on retrouve :
- une dysphagie parfois totale.
- une modification de voix.
- et une dyspnée.
* Le diagnostic :
- est souvent clinique : le corps étranger et/ou la plaie qu'il
entraîne sont repérés au miroir pharyngo-laryngé ou par
hypopharyngoscopie directe.
- des radiographies de cou de profil sans préparation peuvent
objectiver le corps étranger s'il est radio-opaque.
* L'extraction du corps étranger :
- sera réalisée d'urgence uniquement en cas de détresse
respiratoire.
- au mieux, une pharyngo-laryngoscopie directe sera réalisée
sous neuroleptanalgésie, en milieu spécialisé, après un jeûne de
6 heures dans la mesure du possible.
- en fait il est souvent possible, lorsque le corps étranger est
bien repérable, de l'extraire sous contrôle du miroir avec des
pinces courbes appropriées.