Neuropathies des hypoglycémies
Cours de Neurologie
Introduction
:
Les hypoglycémies se compliquent très rarement de neuropathies
périphériques et ce sont toujours des hypoglycémies organiques,
liées à des insulinomes.
À ce jour, moins de 40 observations
documentées ont été rapportées dans la littérature.
Dans la quasi-totalité des cas, ces neuropathies surviennent chez des
sujets qui ont déjà eu de multiples épisodes d’encéphalopathie
hypoglycémique.
Aspects cliniques de la neuropathie
hypoglycémique :
Outre les épisodes multiples d’hypoglycémie avec confusion et
troubles du comportement qui permettent le diagnostic lorsqu’un
dosage de la glycémie est pratiqué, une prise de poids est fréquente.
Ces épisodes d’hypoglycémie se reproduisent parfois pendant des
années, souvent la nuit, à distance des repas.
Par la suite, un déficit
moteur ou sensitivomoteur des quatre extémités apparaît.
La
présentation symétrique de cette neuropathie est habituelle, tout
comme l’atteinte motrice, qui est isolée dans un tiers des cas.
Dans trois cas seulement de la littérature, la polyneuropathie était
purement sensitive.
Dans tous les autres cas, les troubles étaient
mixtes.
La plainte initiale peut être une impression de brûlure ou
d’engourdissement, mais les troubles objectifs ne sont pas nets.
Les
troubles distaux s’associent, dans la moitié des cas environ, à un
déficit moteur proximal. Les réflexes ostéotendineux sont diminués
et les achilléens abolis dans pratiquement tous les cas rapportés.
L’évolution est très lente, sur des années dans la plupart des rares
cas rapportés.
Dans le cas de Heckmann et al, la patiente avait un
déficit distal modéré des quatre extrémités, accompagné d’une
amyotrophie importante des petits muscles de la main.
Il y avait
une hypoesthésie distale avec dysesthésies de contact.
Il a été rapporté dans le passé de rares cas de polyneuropathie
sensitive chez des patients psychotiques traités par coma
hypoglycémique à l’insuline.
Ces phénomènes exceptionnels ne
se rencontrent pratiquement plus et les rares cas de neuropathie
hypoglycémique compliquent des insulinomes langhéransiens.
Aspects électrophysiologiques
et neuropathologiques :
Les résultats des études électrophysiologiques sont connus chez 15
des 34 cas rapportés avec suffisamment de détails.
La détection à
l’aiguille montre une dénervation dans tous les cas, associée à une
diminution du potentiel d’action moteur, sans altération de la vitesse
de conduction.
Il s’agit donc d’une atteinte axonale pure.
Sur le plan
sensitif, il a été noté une réduction ou une absence des réponses
dans les rares cas rapportés.
Certaines études ont trouvé des
résultats plaidant pour une atteinte médullaire.
Sur le plan neuropathologique, les données sont très rares.
La
biopsie musculaire montre une atrophie neurogène non spécifique.
Les biopsies du nerf saphène externe ont aussi mis en évidence une
perte axonale, tandis que les autopsies ont montré également une
perte des motoneurones de la corne antérieure de la moelle.
Pathogénie
:
Il faut noter l’extrême différence de susceptibilité entre le système
nerveux central et le système nerveux périphérique à l’égard de
l’hypoglycémie.
Cela est probablement lié au fait que le système
nerveux central dépend à peu près exclusivement du glucose pour
son énergie, tandis que le système nerveux périphérique en dépend
beaucoup moins.
Les lésions du système nerveux périphérique sont
donc en principe beaucoup moins importantes que celles du système
nerveux central.
Cependant, dans son rapport, Danta, qui avait
colligé 24 cas de neuropathie hypoglycémique, n’avait noté que sept
cas de lésions cérébrales.
Les études expérimentales montrent dans leur ensemble que
l’hypoglycémie provoque des lésions par altération du transport axoplasmique rapide, mais les modèles animaux de neuropathie
hypoglycémique ne semblent pas convaincants.
Des études
relativement récentes ont montré que la dégénérescence des fibres nerveuses ne survenait que lorsqu’une hypoglycémie inférieure à
1,5 mmol/L se maintenait pendant un minimum de 12 heures et
affectait essentiellement les fibres situées au centre des fascicules.
Dans une autre étude, Mohseni et Hildebrand ont trouvé des
altérations des nerfs plantaires chez des rats traités par implants
d’insuline, mais de telles altérations des nerfs plantaires demandent
confirmation car on peut en rencontrer chez le rat normal.
Diagnostic
:
Le diagnostic de neuropathie hypoglycémique repose sur la mise en
évidence d’une neuropathie axonale à prédominance motrice,
touchant les quatre extrémités mais aussi la partie proximale des
membres inférieurs, d’installation lentement progressive.
L’élément
fondamental est son association à une hypoglycémie organique dont
il faut rechercher l’origine, qui est en pratique presque toujours un
adénome langheransien.
Un important élément d’orientation est l’association de la
neuropathie à des troubles centraux, troubles du comportement ou
malaises avec perte de connaissance, à une augmentation de
l’appétit et à une importante prise de poids.
L’adénome langheransien survient surtout entre 50 et 70 ans, et concerne
1/100 000 de la population générale.
La démonstration de
l’hypoglycémie organique repose sur la mise en évidence de
l’hypoglycémie à jeun associée à une hyperinsulinémie endogène.
La tumeur pancréatique est habituellement de petite taille, inférieure
à 2 cm de diamètre, et passe de ce fait souvent inaperçue au scanner
abdominal ou à l’échographie.
Dans 10 % des cas, on constate
l’essaimage d’un insulinome malin aux ganglions du voisinage et
au foie, et, dans 10 % des cas, des tumeurs primitives multiples sont
détectées, éventuellement dans le contexte d’adénomatose endocrine
multiple.
Traitement
:
Après exérèse chirurugicale de l’adénome, l’évolution est favorable
mais la progression ou la récidive des troubles neurologiques peut
survenir en cas de persistance de tumeur insulinosécrétante.