La lithiase vésiculaire est une affection très fréquente :
sa prévalence est de 50 000 à 100 000 par million d’habitants.
Son incidence, c’est-à-dire le nombre de nouveaux
cas par an et par million d’habitants, est de 2 000.
Les principaux facteurs de risque de la lithiase biliaire
sont l’âge, le sexe, l’obésité et une prédisposition génétique.
A - Âge
:
L’incidence de la lithiase biliaire augmente avec l’âge.
La fréquence maximale se situe entre 65 et 70 ans ;
20 % des hommes et plus de 30% des femmes sont alors
porteurs d’une lithiase vésiculaire.
B - Sexe :
La lithiase vésiculaire est environ 2 fois plus fréquente
chez la femme, mais la différence s’estompe progressivement
après la ménopause.
Les oestrogènes augmentent la saturation de la bile en
cholestérol et les progestatifs diminuent la motricité
vésiculaire.
La grossesse est un facteur de risque bien documenté
de la lithiase biliaire.
Le sludge (ou boue biliaire) ou les
petits calculs, apparaissant au cours de la grossesse,
peuvent aussi disparaître spontanément dans les mois
qui suivent l’accouchement.
C - Obésité
:
L’obésité est un facteur de risque de lithiase biliaire, en
particulier chez la femme.
Le risque croît avec l’importance
de la surcharge pondérale.
Outre un apport
calorique élevé ont été incriminés une consommation
importante de sucres raffinés et un régime pauvre en
fibres alimentaires.
D - Prédisposition génétique :
Il existe, dans certaines ethnies, une prévalence très
élevée de la lithiase.
Chez certains Indiens d’Amérique
du Nord, la fréquence est de 80 à 90 % chez les femmes
de 65 ans.
En Scandinavie ou au Chili, la prévalence
est également très élevée, atteignant 20 à 40 % de la
population.
En France, il existe une prédisposition familiale qui
dépend vraisemblablement de facteurs génétiques.
E - Autres facteurs de risque :
D’autres facteurs de risque ont été individualisés : les
antécédents de résection iléale ou iléocolique, les interventions
de courts-circuits jéjuno-iléaux, la mucoviscidose,
les antécédents de gastrectomie avec vagotomie
tronculaire, la nutrition parentérale prolongée sont des
facteurs favorisants.
Certains médicaments favorisent la lithiase en augmentant
le degré de saturation de la bile en cholestérol.
Il s’agit
des oestrogènes et des progestatifs, surtout à fortes
doses, des fibrates, surtout le clofibrate, de la ciclosporine,
de l’octréotide au long cours (Sandostatine), surtout
dans l’indication d’acromégalie.
Physiopathologie :
Il existe 2 types de calculs vésiculaires : les calculs
constitués principalement de cholestérol, qui représentent
plus de 80 % des lithiases vésiculaires et les calculs
pigmentaires, représentant environ 20 % de celles-ci.
Parmi les calculs cholestéroliques, il en existe 2 types :
les calculs faits de cholestérol pur, de structure cristalline,
de taille souvent unique, qui ne représentent que 20%
de l’ensemble des calculs cholestéroliques et les calculs
mixtes, constitués de couches concentriques de cholestérol
et de bilirubinate de calcium, autour d’un noyau
central formé de sels biliaires et de cholestérol.
Ces
calculs sont de couleur jaunâtre et représentent
80 % des calculs cholestéroliques.
A - Sécrétion biliaire normale :
La bile est une solution formée d’eau, d’électrolytes et
de composés organiques.
Les 3 principaux composés
organiques sont :
– les sels biliaires (ou acides biliaires).
Ils sont synthétisés
par l’hépatocyte (acides biliaires primaires), puis
transformés en acides biliaires secondaires par les
bactéries intestinales.
Une partie est réabsorbée dans
l’iléon terminal et de nouveau sécrétée dans la bile.
Cette recirculation constitue le cycle entéro-hépatique ;
– le cholestérol est également excrété dans la bile, partiellement
réabsorbé, l’autre partie étant éliminée dans
les selles ;
– les phospholipides biliaires sont des lécithines.
Ces 3 composés organiques sont peu solubles dans l’eau.
La bile devient lithogène s’il y a rupture de l’équilibre
entre ces différents constituants.
B - Formation de calculs de cholestérol :
Elle passe par 3 étapes : sécrétion par le foie d’une bile
sursaturée en cholestérol, cristallisation (ou nucléation)
du cholestérol en excès et enfin l’agglomération des
cristaux en calculs.
La 1re étape de la lithogenèse est la sécrétion par le foie
d’une bile sursaturée en cholestérol.
Le cholestérol,
insoluble en solution aqueuse, est solubilisé par l’association
aux sels biliaires et aux phospholipides sous
forme de micelles ou de vésicules.
Les proportions
molaires de cholestérol, phospholipides et sels biliaires
sont le plus souvent représentées sous forme de coordonnées
triangulaires.
La bile lithogène résulte
d’un déséquilibre de ces proportions et est, le plus souvent,
le résultat d’une augmentation du débit biliaire de
cholestérol, mais peut être due aussi, en particulier dans
certaines ethnies, à une diminution de la synthèse des
sels biliaires.
Cependant, de nombreux sujets ont une
sursaturation de la bile en cholestérol, sans pour autant
avoir de calculs.
Il s’agit donc d’une condition nécessaire,
mais non suffisante.
La 2e étape concerne la cristallisation
du cholestérol en excès.
Les vésicules sont des
sphères constituées de phospholipides associés au cholestérol.
Pour des concentrations encore plus
élevées de cholestérol, des vésicules multilamellaires se
forment.
Il y a d’abord formation de sludge, puis de
calculs.
De très nombreux facteurs favorisent la nucléation.
D’autres agents agissent contre la nucléation.
La nucléation
résulte d’un déséquilibre entre ces 2 types de facteurs.
La vésicule a un rôle important dans la formation de
calculs : l’absorption de l’eau en quantité importante
entraîne une hyperconcentration favorisant la cristallisation
du cholestérol.
La sécrétion d’un mucus visqueux par la
vésicule altère la fluidité de la bile.
Enfin, l’hypomotilité de la vésicule biliaire a un rôle
essentiel dans la lithogenèse.
C - Calculs pigmentaires
:
Ils sont de 2 types.
1- Calculs pigmentaires noirs :
Ils sont durs, irréguliers.
Ils sont constitués de polymères
de bilirubinate de calcium et siègent dans la vésicule.
Ils s’observent surtout lorsque la sécrétion biliaire
de bilirubine non conjuguée augmente, donc, en cas
d’hémolyse, au cours de la maladie de Minkowski-Chauffard, la drépanocytose, la thalassémie majeure, le
paludisme, chez les malades porteurs de prothèses valvulaires
cardiaques, etc.
Il s’observent aussi chez les
malades atteints de cirrhose, avec une fréquence égale
dans les 2 sexes. Ils peuvent se voir en dehors des hémolyses
et des cirrhoses.
2- Calculs pigmentaires bruns :
Ils siègent le plus souvent au niveau de la voie biliaire
principale.
Diagnostic :
A - Trois circonstances :
• Fortuit ou à l’occasion de manifestations fonctionnelles
n’ayant aucun rapport avec la lithiase vésiculaire :
c’est le cas de troubles dyspeptiques, de colopathie
fonctionnelle et de migraines.
Ces symptômes ne sont pas
imputables à la lithiase vésiculaire et persisteraient après
une cholécystectomie réalisée à tort pour ces symptômes.
• Lors d’une douleur de colique hépatique : on parle
de lithiase vésiculaire symptomatique.
La crise de
colique hépatique est une douleur intense, de siège
épigastrique et (ou) sous-costal droit, irradiant dans le
dos au niveau de la pointe de l’omoplate et de l’épaule
droite, inhibant la respiration profonde, durant en l’absence
de traitement de 15 min à 4 h.
Le plus souvent, l’intensité
de la douleur est telle que le malade a recours à des
antalgiques majeurs.
Des vomissements accompagnent
souvent la crise.
Pendant la crise, l’examen clinique trouve souvent une
douleur provoquée de l’épigastre ou de l’hypocondre
droit.
L’existence d’une douleur provoquée de l’hypocondre
droit avec inhibition respiratoire (signe de Murphy) est
évocatrice d’une pathologie vésiculaire, mais elle n’est
pas spécifique.
Le plus souvent, le calcul se débloque et retourne dans
la vésicule biliaire ou migre dans le duodénum.
La crise
cède alors rapidement.
• L’évolution peut se faire vers une complication
(v. chapitre correspondant).
Une complication peut
être suspectée lorsque la douleur se prolonge inhabituellement.
Les complications sont de 2 ordres : au niveau
de la vésicule, lorsque le calcul se bloque au niveau du
collet de la vésicule ou du canal cystique, se produit un hydrocholécyste, puis une cholécystite.
Si le calcul se
bloque au niveau de la voie biliaire principale, il existe
un risque de pancréatite ou d’angiocholite.
B - Diagnostic différentiel de la colique
hépatique
:
La survenue par crises élimine les douleurs digestives
chroniques.
Il faut éliminer :
– une douleur coronaire quand la douleur est épigastrique
ou rétrosternale ;
– une colique néphrétique, mais l’irradiation se fait vers
le bas et s’accompagne de signes urinaires ;
– une poussée de colopathie fonctionnelle, mais la
douleur est habituellement associée à des troubles du
transit ou à un météorisme ancien, et elle est soulagée
par l’émission de gaz ou de selles ;
– une poussée d’ulcère duodénal ;
– une douleur rhumatologique qui est souvent positionnelle,
reproduite par la palpation avec un point
douloureux exquis.
C - Diagnostic biologique
:
Les examens biologiques sont souvent normaux.
Cependant, il n’est pas exceptionnel qu’au moment ou
dans les 48 heures qui suivent la colique hépatique, on
constate une élévation transitoire des transaminases
et (ou) des enzymes pancréatiques (amylasémie, lipasémie).
Cette constatation conforte l’organicité de la
douleur et oriente vers une origine hépatobiliaire.
D - Diagnostic morphologique :
• L’examen de référence est l’échographie dont la
sensibilité et la spécificité sont excellentes.
L’image typique d’un calcul vésiculaire est une formation hyperéchogène arrondie, entraînant un cône d’ombre
postérieur.
Cette image est déclive et mobile.
Il y a peu de diagnostics différentiels : les polypes vésiculaires
donnent des images immobiles et sans cône
d’ombre au niveau de la paroi vésiculaire.
La voie biliaire principale n’est pas dilatée et ne contient
pas de calcul.
La sensibilité de l’échographie peut être prise en défaut
en cas de très petits calculs, millimétriques.
Quand la
clinique est très évocatrice de douleur biliaire ou qu’il
existe un tableau clinique de migration lithiasique ou de
pancréatite biliaire, alors que l’échographie vésiculaire
de bonne qualité est normale, il faut alors réaliser une échoendoscopie.
Cet examen a une très bonne sensibilité
pour le diagnostic de lithiase vésiculaire et, en particulier,
pour le diagnostic de minilithiase.
• Citons 3 autres examens morphologiques permettant
le diagnostic de lithiase vésiculaire :
– les radiographies de l’abdomen sans préparation ne
détectent que les calculs calcifiés.
Ces calculs siègent
dans l’hypocondre droit ;
– l’examen tomodensitométrique a une sensibilité pour
le diagnostic de lithiase vésiculaire, inférieure à celle
de l’échographie ;
– la recherche au microscope de microcristaux de cholestérol
dans la bile recueillie par tubage duodénal.
Cet examen a de bonnes sensibilité et spécificité pour
le diagnostic de lithiase vésiculaire.
Cependant, en
raison de la difficulté technique et, en particulier, de la
nécessité de stimuler la vidange vésiculaire par la cholécystokinine est pratiquement abandonnée au
profit de l’échoendoscopie.
Traitement
:
A - Symptomatique de la colique hépatique
:
Le traitement symptomatique de la crise de colique
hépatique repose sur les antispasmodiques et les antalgiques.
Parmi les antispasmodiques, les plus utilisés
sont le phloroglucinol (Spasfon), le tiémonium
(Viscéralgine), le N-butylhyoscine (Buscopan)…
Souvent, les antispasmodiques purs ne suffisent pas à
soulager les crises, et l’on a recours à des antalgiques
purs ou associés à des antispasmodiques.
Il existe ainsi
plusieurs associations d’antispasmodiques et de noramidopyrine
(Avafortan, Viscéralgine forte, Baralgine,
Algo-Buscopan).
Quand la crise ne cède pas, on peut avoir recours aux
morphiniques.
Malgré le risque théorique de spasme oddien, l’effet antalgique puissant supprime la douleur.
Plus récemment, il a été montré que les anti-inflammatoires
non stéroïdiens étaient très efficaces sur la douleur
biliaire et diminuaient peut-être le risque de cholécystite.
Mais, il n’y a pas d’AMM dans cette indication.
B - De la lithiase vésiculaire :
• Indications : il n’y a aucune indication à traiter un
malade ayant une lithiase vésiculaire asymptomatique.
En effet, le risque que cette lithiase vésiculaire devienne
symptomatique ou se complique est faible.
On estime le
risque d’avoir des douleurs de colique hépatique à 20-25%
au bout de 10 ans d’évolution.
Le risque de développer
une complication (cholécystite surtout, ou lithiase de la
voie biliaire principale) est de 3 % à 10 ans.
Il y a indication à traiter un malade atteint de lithiase
vésiculaire symptomatique ou compliquée.
• Méthodes et résultats : le traitement de référence est
actuellement la cholécystectomie coelioscopique.
Elle a l’avantage, par rapport à la cholécystectomie par
laparotomie, de diminuer la durée d’hospitalisation, la
durée de l’arrêt de travail, a des avantages pour le malade
en termes de confort et d’esthétisme.
La voie coelioscopique diminue les complications de
paroi et celles liées au terrain.
En revanche, le risque de
fistules biliaires et plaies biliaires est augmenté.
Ce
risque diminue avec l’expérience du chirurgien.
En cas
de difficulté, le chirurgien doit convertir la voie coelioscopique
en laparotomie et le malade doit avoir été
informé de cette possibilité avant l’intervention.
Ne doivent pas être traités par voie coelioscopique, mais par
laparotomie classique, les malades ayant une cirrhose
avec hypertension portale, des coagulopathies, une
insuffisance cardiaque.
La cholangiographie peropératoire est réalisable par
coelioscopie transcystique pour un chirurgien expérimenté,
afin de s’assurer de la vacuité de la voie biliaire
principale.
Cependant, elle augmente le temps opératoire
et également la morbidité.
Dans son indication, il faut
donc tenir compte des facteurs prédictifs préopératoires
de la présence d’une lithiase de la voie biliaire principale.
En cas de découverte d’une lithiase de la voie
biliaire principale, méconnue par les examens préopératoires,
le chirurgien a le choix entre l’extraire par voie coelioscopique, convertir en laparotomie ou confier
le malade à l’endoscopiste pour une sphinctérotomie
endoscopique.
À côté de la cholécystectomie par coelioscopie ou par
laparotomie, la lithiase vésiculaire peut être soignée
par traitement dissolvant oral ou lithotritie extracorporelle.
Ces traitements ont cependant été presque complètement
abandonnés au profit de la cholécystectomie coelioscopique.
Le traitement dissolvant repose sur l’acide ursodésoxycholique
à la dose de 10 mg/kg. Pour qu’il soit efficace,
plusieurs conditions doivent être réunies : il faut que la
vésicule soit fonctionnelle, c’est-à-dire opacifiée lors
d’une cholécystographie orale, que les calculs soient
non calcifiés et de nature cholestérolique, soient de taille
inférieure à 15 mm de diamètre.
La cholecystographie
orale n’étant plus pratiquée, elle pourrait être remplacée
par une échographie pré- et post-prandiale.
Lorsque ces conditions sont réunies, on peut espérer
une dissolution après 1 an de traitement avec risque de
récidive à l’arrêt.
La lithotritie extracorporelle permet la fragmentation de
la lithiase vésiculaire, ces petits fragments pouvant
être ensuite rapidement dissous par l’acide ursodésoxycholique.
Elle a d’autant plus de chance d’être efficace
que le calcul est unique et mesure moins de 20 mm de
diamètre.